mardi 30 septembre 2014

Mgr Lefebvre : « La vie apostolique n’est pas un pur combat contre les erreurs »

Le Père Eugène de Villeurbanne avait prévenu au début des années 1980 qu’il ne fallait pas « se confiner dans un traditionalisme de combat », cette forme de militantisme sec appliquée au monde religieux. L’abbé Coache l’avait bien perçu, lui qui avait recueilli ces lignes au sein de sa revue intitulée Le combat de la foi. Ce faisant, il ne faisait que reprendre les mises en garde que Mgr Lefebvre adressait à ses séminaristes d’Écône. Certainement, faut-il envisager un combat contre le péché et contre l’erreur. Mais le défaut de vertu des uns ne doit pas pour autant légitimer les excès des autres. Une vie apostolique qui aurait comme principal idéal d’être des « antis », qui se réduirait à une lutte contre les erreurs, ou même qui aurait comme premier objectif la lutte contre les erreurs maintiendra ses auteurs dans les ténèbres. L’invitation que lance le fondateur de la FSSPX en 1975 ne consiste pas à baisser les bras mais avant toute chose à se sanctifier en faisant rayonner la charité :

« Alors il ne faut pas non plus envisager ce combat, cette vie apostolique que vous aurez à mener, il ne faut pas la considérer uniquement comme un pur combat contre les erreurs, contre les difficultés, contre ce qui empêche l'Église de s'étendre. Bien sûr qu'il faut aussi combattre les erreurs, mais il ne faut pas être en premier lieu contre-réformiste, ne pas être d’abord dans la contre-réforme, la contre-révolution, l'anti-libéralisme, l'anti-communisme, n’en pas faire, je dirais, l'objectif premier et principal de votre action. Et on ne peut pas combattre contre les ténèbres sans y mettre d'abord la lumière. Vous aurez beau essayer, si vous ne venez pas avec la lumière, si vous êtes dans les ténèbres et que vous essayez de chasser les ténèbres, vous pouvez toujours y aller, elles ne s'en iront pas. [...] Il faut venir avec la lumière. Comment aurez-vous la lumière ? Eh bien, par la grâce du Bon Dieu, la grâce qui vous illuminera, qui vous éclairera, qui vous fortifiera et qui sera manifeste aussi aux yeux des autres. Il faut que vous manifestiez cela.


« Il est très difficile de convertir les autres si on apparaît déjà soi-même comme quelqu'un qui est faible dans la vie courante, dans la vie pratique. Ce n'est pas, par exemple, en insultant son interlocuteur, en le méprisant, en le traitant de tous les noms qu'on arrivera à le convaincre. Au contraire s'il s'aperçoit vraiment d'une vraie charité envers lui, sincère, surnaturelle, désintéressée, alors il commencera à être accroché parce qu'il aura cette impression très nette : celui qui me parle ne parle pas pour le plaisir d'avoir le dessus et de me convaincre, mais vraiment il veut me faire passer une vérité qui n'est pas à lui et il ne méprise pas ma manière d'être. Et c'est très important cela. Les saints ont converti bien plus par leur exemple, par leur prière, par leur mortification encore que par leurs paroles. Bien sûr la parole est nécessaire, la discussion est nécessaire, il faut convaincre, il faut prêcher évidemment, ils ont converti par la prédication. Mais s'ils ont converti par la prédication c'était précisément parce qu'ils étaient des saints. Les gens ont besoin de cette sainteté. Or ceci est une chose que nous devons retenir constamment et avoir constamment devant les yeux. »

mardi 23 septembre 2014

Il y a 35 ans : Le jubilé de la Porte de Versailles

Il y a trente-cinq ans, le 23 septembre 1979, des milliers de personnes se retrouvaient à Paris, au Palais des Expositions de la porte de Versailles, autour de Mgr Marcel Lefebvre qui célébrait ce jour-là ses cinquante ans de sacerdoce. Il avait en effet été ordonné en 1929 en la chapelle de la rue Royale à Lille par Mgr Achille Liénart, évêque de la ville. A cette occasion, le fondateur de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X prononça un de ses sermons les plus mémorables, lequel se termine par le lancement d'une croisade, celle des prêtres et des pères de famille, ainsi que par son testament spirituel : « Gardez la messe de toujours ! »


1e partie



2e partie 

jeudi 11 septembre 2014

Père Eugène de Villeurbanne : « Le danger est grand de se confiner dans un traditionalisme de combat »

En 1972, le Père Eugène de Villeurbanne fondait le couvent des capucins de Morgon (Rhône) pour maintenir toute la pureté de la règle franciscaine malmenée par les épreuves de la période conciliaire. Très proche de Mgr Lefebvre, il lui demanda de former et d’ordonner ses futurs prêtres. C’est ainsi que l’archevêque conféra le sacerdoce à quatre d’entre eux entre 1982 et 1986, après les avoir formés à Écône. Adonné à la prière, éloigné du monde, faisant rayonner la charité, le Père Eugène eut le souci, jusqu’à sa mort survenue en 1990, de perpétuer l’esprit du Poverello d’Assise, au cours de la sèche période de l’aggiornamento où certains clercs, rongés par l’activisme et par le mépris de toute tradition, avaient fait du domaine religieux un champ d'action politique et voyaient dans leur prochain un ennemi extrémiste à mépriser et à combattre. En 1982, le Père Eugène se rendait compte que le même danger pouvait un jour s’emparer des rangs de ceux qui avaient pourtant eu le courage de défendre la messe et le catéchisme traditionnels. Grand était le risque de voir au sein du monde catholique une guerre partisane de tranchées où le principal ennemi n’était plus le vieil homme qui sommeille en nous mais le voisin de chapelle qui ne fait pas exactement comme nous. Il mettait en garde contre le péril qui consistait à « se confiner dans un traditionalisme de combat ».

« De tous côtés s’installe la division, se manifestent les colères, de l’orgueil, de l’injustice. Des « traditionalistes » un temps d’accord sur les vérités claires et essentielles de la foi mettent leur honneur à soulever des « problèmes », à raison avoir sur des questions d’importance lointaine pour la vie quotidienne des fidèles. Les intelligences s’estiment traditionalistes mais les cœurs ne le sont plus si jamais ils l’ont été. La charité fraternelle est, elle aussi, une richesse de la Tradition.

« Le danger est grand de se confiner dans un traditionalisme de combat, de concevoir les vérités de la foi comme une occasion de lutte, de coups et de victoire, de considérer la théologie dogmatique comme un arsenal de guerre ou même trop exclusivement comme le moyen de l’illumination de l’intelligence dans l’oubli des yeux du cœur assoiffé d’espérance, avide de goûter les trésors de gloire que renferme l’héritage de Jésus-Christ. Grand est le risque d’accommoder les vérités de Jésus-Christ et les membres de Jésus-Christ à ses propres goûts ; saint Paul nous a appris où cela pouvait conduire.
 
« La présence des fidèles à notre messe traditionnelle n’est pas une finalité, la foi aux vérités dogmatiques ne l’est pas non plus ; ce qui compte c’est la foi qui opère par la charité et conduit à la charité pour Dieu et à la charité fraternelle. Les institutions chrétiennes, la catéchèse, la théologie ne doivent pas seulement conduire les âmes aux portes d’entrée de l’amour surnaturel ; elles doivent faire progresser dans le domaine illimité des ascensions dans les profondeurs et les altitudes de l’amour de Dieu, dans le dulcor charitatis. Nul ne saurait s’y enfoncer s’il est en désaccord avec ses frères. « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas ». Entendons saint Paul nous dire « Du moment qu’il y a parmi vous jalousie et discorde, n’êtes-vous pas charnels et votre conduite n’est-elle pas tout humaine ». Un « traditionalisme » qui a perdu la charité est-il encore traditionnel ? »

Cité par le Combat de la Foi
et par Lecture et Tradition, N° 98,
novembre-décembre 1982, pp. 7-8.