lundi 9 février 2015

Mgr Lefebvre : Prudence dans le jugement

La situation actuelle est assez confuse pour que nous n’ayons pas à rajouter des dogmes à ceux que l’Église nous demande de croire, expliquait Mgr Lefebvre. Or une tentation serait de devoir prendre position de façon catégorique sur toutes les organisations qui nous environnent. Devant ses séminaristes, Mgr Lefebvre prenait l’exemple de l’Office international des œuvres de formation civique et d'action culturelle selon le droit naturel et chrétien, mouvement fondé par la Cité catholique de Jean Ousset et organisateur des célèbres congrès de Lausanne, lequel avait vaillamment accompagné l’action de l’archevêque au cours du Concile et dans ses essais de restauration sacerdotale. Par la suite, ses dirigeants ont glissé, ils ont mis entre parenthèses certaines doctrines et n’ont pas voulu prendre position sur la messe. Fallait-il en faire des ennemis à honnir et à déconsidérer ? Déjà, plusieurs esprits du mouvement traditionnel, devançant le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, diffusèrent une brochure éditée par le monastère Saint-Joseph de Clairval, dont l’auteur resta anonyme, afin de dénoncer l'organisation sous le titre : «  Une fausse contre-révolution : l’Office ? ». A la fin de l’année 1976, à l’heure où certains mouvements s’éloignaient du fait de la suspens a divinis prononcée contre Mgr Lefebvre, ce dernier invitait ses séminaristes à la prudence dans le jugement et à ne pas rajouter de nouveaux dogmes à ceux que l’Église nous enseigne.

« S’il reste encore des questions disputées, c’est possible, c’est certain même : Il y a encore des questions qui sont disputées, il y a des questions qui ne sont pas définies encore dans l’Église. Mais je pense qu’il y a suffisamment de dogmes, suffisamment de vérités définies dans tous les domaines pour que nous ayons un jugement bien formé et que nous puissions connaître vraiment la vérité que l’Église nous enseigne. Évidemment, nous sommes confrontés maintenant à une telle situation dans l’Église, à de telles discussions, à de telles remises en question que certains pourraient parfois hésiter sur ce qui est vraiment la vérité enseignée par l’Église et ce qui est le champ ou le domaine des idées libres et discutables.[…]

« Vous pouvez discuter. Mais parce que votre confrère n’est pas absolument du même avis sur un article de Permanences, « Avez-vous lu cet article de Permanences ? Qu’est-ce que vous en pensez ? Ah, vous n’êtes pas de cet avis-là ? Ah, vous n’avez pas le droit ! » Et on commence à se disputer. Mais non quand même ! Est-ce que c’est indispensable ? Est-ce que cela fait partie de la doctrine qui vous est enseignée au séminaire ? Vous pouvez tout de même avoir quelques opinions différentes, quelques nuances dans vos opinions à ce sujet-là. C’est un problème intéressant, c’est un problème, au moins pour les Français, auquel vous serez confrontés, pour d’autres pays peut-être aussi, mais c’est surtout pour la France. Donc que vous vous renseignez un peu sur ce problème que vous entendiez un confrère qui vous dise cela, un autre confrère qui vous parle un peu autrement, très bien, vous vous ferez petit à petit une opinion, et quand vous aurez plus tard à juger de ces affaires-là vous jugerez, mais attendez.

« Même si quelqu’un pendant les vacances vous demande : qu’est-ce que vous pensez de l’Office [international] ? Dites tout simplement : je ne sais pas, je ne suis pas très informé. Vous pouvez très bien dire : je ne suis pas très informé, je discute, je ne sais pas exactement, je n’ai pas une connaissance parfaite du problème, j’ai entendu dire ceci, j’ai entendu dire cela, mais vous n’êtes pas obligé d’avoir une opinion. Cela ne fait pas partie des dogmes de notre foi. Vous pouvez très bien ne pas le savoir, sans être de grands ignorants. Et ce sont des problèmes très délicats qu’il ne faut pas aborder sans une réelle connaissance et qu’il ne faut pas juger sans une réelle connaissance. Parce qu’on peut facilement se tromper dans ses jugements.

« Pour ma part, personnellement, je vous avoue que je suis très prudent dans mes jugements quand on me parle de ces choses-là. Je reconnais que pour ce que je puis savoir de la situation de l’Office, comme je vous l’ai déjà dit, on a assisté certainement à un certain glissement dans les idées de l’Office, glissement vers certains compromis, certaines idées moins claires, moins nettes, moins affirmées comme le règne de Notre-Seigneur qui autrefois dans le Pour qu’Il règne était affirmé d’une manière plus forte, plus ferme. On a supprimé certaines choses. Il y a certainement une certaine tendance de ce côté-là. Il y a eu peut-être un manque de prise de position vis-à-vis du catéchisme, même vis-à-vis de la messe qui ont laissé un certain flottement dans l’Office, alors qui créent une certaine gêne, une certaine gêne pour beaucoup de personnes.

« Alors est-ce qu’il faut dire tout de suite : « Tous ces gens-là sont des gens qu’il faut honnir avec lesquels il ne faut plus avoir aucune relation, ce sont tous des ennemis de l’Eglise » ? Non, tout de même ! Il ne faut pas tout de suite passer de certaines constatations aux conséquences ultimes, c’est le meilleur moyen d’éloigner tous ces gens-là et de ne jamais arriver à les convertir, de ne jamais arriver à les ramener à la vérité, de ne jamais les ramener à plus de fermeté, c’est certain. Mais il faut expliquer cette situation, il faut l’expliquer et la comprendre un peu parce qu’ils ont été abandonnés par les Pères de Chabeuil qui leur donnaient des conseils très justifiés autrefois. Et puis ces Pères de Chabeuil ont viré complètement vers les solutions modernes, le progrès, les nouveautés, et évidemment cela a été préjudiciable pour l’Office. C’est un fait. Je donne un exemple pour l’Office. Ensuite vous pouvez avoir différentes opinions sur une chose qui peut provoquer certaines discussions parmi vous. »