dimanche 26 octobre 2014

Mgr Lefebvre : Le Christ doit régner

« N’oublions jamais que sans la grâce nous ne sommes pas capables d’agir d’une manière parfaite et sainte nous ne garderons même pas longtemps l’honnêteté naturelle, parce que le péché originel a mis le désordre dans notre nature. Alors si l’on dit que Notre Seigneur n’a pas besoin de régner dans la société, les hommes seront laissés à eux-mêmes et ils tomberont doucement dans les mauvaises habitudes, dans le péché. C’est pourquoi la grâce est nécessaire pour qu’une société soit vraiment chrétienne.

« Bien sûr tout ne se détruit pas du jour au lendemain. Après la Révolution, la société n’est pas aussitôt retombée à l’état sauvage. Beaucoup de gens étaient encore chrétiens et il est donc resté encore longtemps une certaine honnêteté on vivait, on circulait sans crainte d’être assassiné, l’immoralité n’avait pas tout envahi. Puis vint la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Est-ce à dire que, puisqu’il y avait des gens honnêtes, même sans culte officiel rendu à Notre Seigneur, l’on pouvait se passer de ce culte et rester honnête ? Eh bien, au bout d’un certain temps, on a commencé à s’apercevoir que le ver était dans le fruit et que tout se gâtait. Et nous assistons presque aux ultimes conséquences de cette absence de religion chrétienne dans les écoles, les universités, l’Etat; la société est toute corrompue : divorces, ménages détruits, enfants livrés à eux-mêmes. Ce sont là les conséquences du naturalisme, du rejet de la royauté de Notre Seigneur.

« Un jour à Mexico, les journalistes me demandaient : “Comment voyez-vous le progrès de la société ? Comment envisagez-vous l’évolution de la société moderne pour aller vers plus de justice, vers une meilleure répartition des biens ?”.

« J’ai répondu : il n’y a pas trente-six systèmes, il y a le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ tant qu’il ne sera pas rétabli, tant que la loi de Notre Seigneur ne sera pas observée, tant que Sa grâce ne pénétrera pas dans les âmes, il sera inutile de chercher à obtenir la justice, la paix, et même à recréer des sociétés normales. Seule la grâce, qui régénère les âmes, engendre la vertu vraie elle fait des hommes des fils de Dieu et avec la charité leur infuse les vertus sociales, sans lesquelles ne se développe que l’envie. C’est facile à constater : aujourd’hui on excite l’envie, on pousse toujours plus les gens à revendiquer des droits. Moi, j’ai le droit d’avoir autant que mon voisin... On excite les hommes les uns contre les autres ; tous doivent obtenir la même chose ! Or l’envie crée la haine, et la haine engendre les dissensions civiles ; c’est la révolution dans les sociétés, les gens s’entre-dévorent.


« Si au contraire, les âmes sont transformées en Notre Seigneur, ceux qui exercent des responsabilités dans l’Etat, ceux qui ont la richesse, des biens, des terres, se montreront plus justes ils seront animés par la vertu de justice, ils comprendront qu’ils ont des devoirs à l’égard de leurs subordonnés. Et ces derniers comprendront qu’ils doivent travailler, accepter leur situation, car nous ne sommes pas sur terre uniquement pour faire fortune ils sauront que la vie surnaturelle vaut beaucoup plus que les biens d’ici-bas. »

Mgr Lefebvre, extraits de C'est moi l'accusé qui devrais vous juger


mardi 21 octobre 2014

Paul VI, pape libéral

« Dans ses Mémoires, publiés par un membre de sa famille, le Cardinal [Daniélou] dit explicitement : « II est évident que Paul VI est un pape libéral ».

« Et c’est la solution qui apparaît la plus vraisemblable historiquement : parce que ce pape-là est comme un fruit du libéralisme, toute sa vie a été imprégnée par l’influence des hommes qui l’entouraient ou qu’il a pris pour maîtres et qui étaient des libéraux.

« Il ne s’est pas caché de ses sympathies libérales : au Concile, les hommes qu’il nomma modérateurs à la place des présidents nommés par Jean XXIII, ces quatre modérateurs furent, avec le cardinal Agagianian, cardinal de Curie sans personnalité, les cardinaux Lercaro, Suenens et Dopfner, tous trois libéraux et ses amis. Les présidents furent relégués en arrière, à la table d’honneur, et ce furent ces trois modérateurs qui dirigèrent les débats du Concile. De même Paul VI soutint pendant tout le Concile la faction libérale qui s’opposait à la tradition de l’Eglise. Cela est connu. Paul VI a répété - je vous l’ai cité - les paroles de Lamennais, textuellement, à la fin du Concile : « l’Eglise ne demande que la liberté » ; doctrine condamnée par Grégoire XVI et Pie IX !

« On ne peut nier que Paul VI n’ait été très fortement marqué par le libéralisme. Cela explique l’évolution historique vécue par l’Eglise en ces dernières décades, et cela caractérise très bien le comportement personnel de Paul VI. Le libéral, vous ai-je dit, est un homme qui vit perpétuellement dans la contradiction : il affirme les principes, mais fait le contraire, il est perpétuellement dans l’incohérence. […]

« Le 7 mars 1965, il déclarait aux fidèles massés sur la place Saint-Pierre :

« C’est un sacrifice que l’Eglise accomplit en renonçant au latin, langue sacrée, belle, expressive, élégante. Elle a sacrifié des siècles de tradition et d’unité de la langue pour une aspiration toujours plus grande à l’universalité ».

« Et le 4 mai 1967, ce « sacrifice » était accompli, par l’Instruction Tres abhinc annos qui établissait l’usage de la langue vulgaire pour la récitation, à voix haute, du Canon de la messe. Ce « sacrifice », dans l’esprit de Paul VI, semble avoir été définitif. Il s’en expliqua de nouveau, le 26 novembre 1969, en présentant le nouveau rite de la messe :

« Ce n’est plus le latin, mais la langue courante, qui sera la langue principale de la messe. Pour quiconque connaît la beauté, la puissance du latin, son aptitude à exprimer les choses sacrées, ce sera certainement un grand sacrifice de le voir remplacé par la langue courante. Nous perdons la langue des siècles chrétiens, nous devenons comme des intrus et des profanes dans le domaine littéraire de l’expression sacrée. Nous perdons ainsi en grande partie cette admirable et incomparable richesse artistique et spirituelle qu’est le chant grégorien. Nous avons, certes, raison d’en éprouver des regrets et presque du désarroi ».

« Tout devrait donc dissuader Paul VI d’opérer ce « sacrifice »  et le persuader de garder le latin. Mais non ; se complaisant dans son « désarroi » d’une façon singulièrement masochiste, il va agir au rebours des principes qu’il vient d’énumérer, et décréter le « sacrifice » au nom de la compréhension de la prière », argument spécieux qui ne fut que le prétexte des modernistes :

« Jamais le latin liturgique ne fut un obstacle à la conversion des infidèles ou à leur éducation chrétienne, bien au contraire, les peuples simples d’Afrique et d’Asie aiment le chant grégorien et cette langue une et sacrée, signe de leur appartenance à la catholicité. Et l’expérience prouve que là où le latin ne fut pas imposé par les missionnaires de l’Eglise latine, là des germes des schismes futurs furent déposés. - Paul VI prononce alors la sentence contradictoire :

« La réponse semble banale et prosaïque, dit-il, mais elle est bonne, parce que humaine et apostolique. La compréhension de la prière est plus précieuse que les vétustés vêtements de soie dont elle s’est royalement parée. Plus précieuse est la participation du peuple, de ce peuple d’aujourd’hui qui veut qu’on lui parle clairement, d’une façon intelligible qu’il puisse traduire dans son langage profane. Si la noble langue latine nous coupait des enfants, des jeunes, du monde du travail et des affaires, si elle était un écran opaque au lieu d’être un cristal transparent, ferions-nous un bon calcul, nous autres pêcheurs d’âmes, en lui conservant l’exclusivité dans le langage de la prière et de la religion ? »

« Quelle confusion mentale, hélas ! - Qui m’empêche de prier dans ma langue ? Mais la prière liturgique n’est pas une prière privée, c’est la prière de toute l’Eglise. De plus, autre confusion lamentable, la liturgie n’est pas un enseignement adressé au peuple, mais le culte adressé par le peuple chrétien à Dieu. Une chose est le catéchisme, autre chose la liturgie ! Il ne s’agit pas, pour le peuple assemblé à l’Eglise, « qu’on lui parle clairement », mais que ce peuple puisse louer Dieu de la manière la plus belle, la plus sacrée, la plus solennelle qui soit ! « Prier Dieu sur de la beauté », telle était la maxime liturgique de saint Pie X. Comme il avait raison !

« Vous voyez, le libéral est un esprit paradoxal et confus, angoissé et contradictoire. Tel fut bien Paul VI. M. Louis Salleron l’explique fort bien, quand il décrit le visage physique de Paul VI : il dit « il a le visage double ». Il ne parle pas de duplicité, car ce terme exprime une intention perverse de tromper qui n’était pas présente chez Paul VI. Non, c’est un personnage double, dont le visage contrasté exprime la dualité : tantôt traditionnel en paroles, tantôt moderniste dans ses actes ; tantôt catholique dans ses prémisses, ses principes, et tantôt progressiste dans ses conclusions, ne condamnant pas ce qu’il devrait condamner et condamnant ce qu’il devrait conserver !

« Or, par cette faiblesse psychologique, ce pape a offert une occasion rêvée, une possibilité considérable aux ennemis de l’Eglise de se servir de lui : tout en gardant un visage (ou une moitié de visage, comme on voudra) catholique, il n’a pas hésité à contredire la tradition, il s’est montré favorable au changement, baptisé mutation et progrès, et est allé ainsi dans le sens de tous les ennemis de l’Eglise, qui l’ont encouragé. N’a-t-on pas vu un jour, dans les années 76, les Izvestia, organe du parti communiste soviétique, réclamer de Paul VI, au nom de Vatican II, ma condamnation et celle d’Ecône ? De même, le journal communiste italien L’Unita exprima une semblable requête y réservant toute une page, lors du sermon que je prononçais à Lille le 29 août 1976, furieux qu’il était de mes attaques contre le communisme ! « Prenez conscience, était-il écrit à l’adresse de Paul VI, prenez conscience du danger que représente Lefebvre, et continuez le magnifique mouvement d’approche commencé avec l’œcuménisme de Vatican II. » C’est un peu gênant d’avoir des amis comme ceux-là, ne trouvez-vous pas ? Triste illustration d’une règle que nous avons déjà relevée : le libéralisme mène du compromis à la trahison. »


Mgr Lefebvre, Ils l’ont découronné, Clovis, 2009, pp. 254-259

lundi 13 octobre 2014

Un avis de Mgr Marcel Lefebvre sur Mgr Walter Kasper

Mgr Lefebvre a connu celui qui allait devenir le cardinal Kasper. Nommé par Jean-Paul II, ce dernier était déjà « l’homme à penser du Synode de 1985 ». Il semble qu’il soit également celui de 2014. Déjà, il y a vingt-cinq ans, le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X mettait en garde contre la dangerosité de la pensée du personnage. 
NN.SS. Lehmann et Kasper
« Le pape vient de nommer Mgr Kasper en Allemagne. Il était secrétaire du Synode en 1985, présidé par le cardinal Danneels de Bruxelles. Kasper était le chef, l’homme à penser du Synode. Il est très intelligent et c’est l’un des plus dangereux. Le pape vient de le nommer évêque. Il est un peu comme l’évêque de Trèves qui est président de l’Assemblée épiscopale allemande (1) et qui est très dangereux aussi. Ce sont tout à fait des gens de gauche qui, au fond, rejoignent les Rahner, les Hans Küng, mais qui se gardent bien de le dire. Ils prennent des formes pour éviter qu’on les associe à eux, mais ils ont le même esprit. »
 Fideliter N° 70, juillet-août 1989, pp. 12-13.


(1) Karl Lehmann, évêque de Mayence (Allemagne) depuis le 21 juin 1983 et devenu ensuite cardinal le 21 février 2001

lundi 6 octobre 2014

Mgr Lefebvre : Le règne social du Christ invite non à un repli entre soi mais à une implication de chacun dans la société

Octobre conduit à réfléchir sur la grande fête du Christ-Roi qui est célébrée à la fin du mois. Le règne social de Notre Seigneur Jésus Christ n’est pas uniquement un slogan qui nous différencierait des milieux libéraux, lesquels aspirent à une sécularisation généralisée. C’est également une vérité de tous les jours à vivre. Mgr Lefebvre affirmait que les catholiques fidèles avaient peut-être une déficience et une incompréhension de leur devoir en désertant les emplois de responsabilité. A l’heure où les législations les plus dégradantes sont adoptées, ces enseignements sur la royauté du Christ sont utiles. Mgr Lefebvre les prononçait le 30 octobre 1988. Ils reprennent en grande partie son appel du jubilé de la Porte de Versailles.

« On est stupéfait de voir des pays catholiques – disons comme le Valais – comme tous les pays catholiques de la Suisse, comme la France, comme l'Italie, comme l'Espagne, comme l'Irlande, comme tous ces pays catholiques qui sont à 80%, 85% catholiques, qui sont dirigés par des francs-maçons, qui sont dirigés par des ennemis de l'Eglise. Comment est-ce possible ? Comment ces gens-là ont-ils pu arriver à dominer des pays à grande majorité catholique, des gens qui ne sont pas chrétiens, des gens qui veulent détruire la famille chrétienne ; qui introduisent des lois qui démolissent l'enseignement chrétien, qui démolissent les écoles chrétiennes, qui introduisent toutes ces initiatives abominables que nous voyons, comme ces discothèques qui se multiplient partout maintenant dans tous les villages, [ces gens] qui introduisent par conséquent dans la législation, l’avortement, la contraception, qui supportent la drogue, qui ne poursuivent pas la pornographie et qui acceptent ces films abominables contre Notre Seigneur Jésus-Christ : Voilà des petits groupes de gens qui sont contre Notre Seigneur Jésus-Christ et qui dominent des nations chrétiennes. Est-ce possible ? Comment expliquer cela, comment expliquer que dans un pays à 80%, 85% de catholiques, ce soient des gens contre l'Eglise catholique, qui sont contre Notre Seigneur, qui dominent et dirigent tout le monde ?

« Je pense que c'est parce que les catholiques s'imaginent qu’ils ne doivent pas entrer dans les fonctions publiques. Ils ont peur de s'immiscer dans les fonctions publiques. Sans doute ont-ils raison dans la mesure où ils devraient participer à des choses qui sont mauvaises. Mais s'ils le font au contraire pour empêcher les choses mauvaises de se réaliser, ils doivent se manifester ; ils doivent prendre des responsabilités pour le bien des âmes, pour faire régner Notre Seigneur Jésus-Christ dans la législation. Il me semble qu'il y a là une déficience et peut-être une incompréhension du devoir des catholiques fidèles. Il faudrait que dans des villages à 80% catholiques encore et qui ont encore des convictions à 90%, ce soient de bons catholiques qui dirigent le village, qui prennent des responsabilités communales. C’est la même chose dans les États. Il ne faut pas avoir peur de prendre des responsabilités. Ce n'est pas là faire de la mauvaise politique, ce n'est pas faire de la politique de parti, c'est tout simplement chercher le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, le règne social de Notre Seigneur. »