vendredi 16 août 2013

Père R.-Th. Calmel : L’héroïsme de la charité et l’héroïsme de la révolte

A la suite du propos précédent de Mgr Lefebvre sur l’agitation perpétuelle des esprits, nous publions ce texte du Père Calmel qui distingue si bien l’héroïsme de la révolte – qui veut en tout lieu et en toute heure s’emporter et s’enflammer – de l’héroïsme de la charité qui se fonde, le plus souvent, sur la patience et sur le silence, à l’image de l’atmosphère recueillie de la Sainte Famille. « Une vie héroïque n'est pas haletante et précipitée comme un drame sur scène », explique-t-il.

« Il est un héroïsme de la révolte, et un héroïsme de la charité. L'héroïsme de la charité demande avant tout de prendre, à cause de Dieu, une route de droiture parfaite et de ne vouloir rien entendre quand il s'agit de changer de direction. Moyennant quoi il est fort possible que la vie, quelque jour, devienne extrêmement dure et même qu'il faille consentir au sacrifice suprême. Seulement, et c’est ici que je ne voudrais pas que l’on se fasse des idées, choisir le chemin de l'héroïsme de l'amour ce n'est pas être acculé, sans répit, à une existence intenable et irrespirable. Ce n'est pas à chaque minute et à longueur de vie être emporté dans un tourbillon étouffant et vertigineux comme celui d'une tragédie de Racine ou de Shakespeare. Une vie héroïque n'est pas haletante et précipitée comme un drame sur scène. Elle admet des repos, des détentes, des paliers et des reprises. Elle trouve une connivence de certaines personnes et de certains événements, plus ou moins proche, plus ou moins réconfortante, mais toujours réelle, - excepté, il est vrai, dans la solitude unique des heures d'agonie. Mais alors un ange du ciel descend et réconforte. Pour le reste, et à travers le déroulement ordinaire du jour, le Père du ciel a ménagé une familiarité, une grâce, une clémence de la vie qui empêche que ne soit inhumain et exaspéré l'héroïsme de l'Amour.

« Qui douterait qu’on ne puisse, qu’on ne doive parler d’héroïsme à propos de la vie de saint Joseph le Juste ? Et beaucoup plus encore à propos non seulement de la Passion, mais même de la vie cachée et de la vie publique du Fils de l’Homme ? Si l’héroïsme est le contraire de la tiédeur et de la protection égoïste de soi-même, si l’héroïsme dont nous parlons demande d’être prêt à sacrifier sa vie en ce monde pour rester fidèle à la loi de Dieu dans le spirituel et dans le temporel, on ne peut douter que la vie de saint Joseph, fidèle et ferme dans la pauvreté de Nazareth et dans l’exil en Égypte, ne porte la marque de l’héroïsme. […] Ce n'est point parce que vous aurez l'esprit du martyre que les bourreaux vous sauteront dessus à tous les tournants. Seulement vous n'aurez rien réservé. Vous aurez tout donné, et vos forces et votre cœur. Et cet abandonnement total, loin de vous condamner à ne plus connaître les sourires de la vie est au contraire le seul moyen de les apprivoiser. […]

« Il est un autre héroïsme que celui de l'Amour : celui de la révolte et même de la haine. L'histoire de la civilisation et celle de l'Église, et d'ailleurs la simple expérience quotidienne, ne permettent pas de se faire illusion sur sa puissance dévastatrice et démontrent au surplus qu'il est toujours prêt à renaître ; cela par la faute du diable ; par la faute aussi des gens de bien : parce que leur bien est débile, extérieur et peut-être pharisaïque. Qu’on se souvienne de Luther ou de Lénine, ou de tel compagnon obscur que l’on a rencontré dans la vie. Pour répondre à cet héroïsme, la tiédeur est parfaitement inutile, fût-elle bien parlante, bien pensante, bien armée ; les sanctions, même justes, ne suffisent pas ; les discours non plus, même inexpugnables. La grande réponse, celle qui est au principe de toutes les défenses positives, c’est l’héroïsme de l’Amour. »


Roger-Thomas Calmel, o.p., Nous sommes fils de saints, NEL, 2011, pp. 33-37

vendredi 9 août 2013

Mgr Lefebvre : faut-il toujours parler de la crise ?

« Je pense qu’il faut rester devant la réalité telle qu’elle est et surtout, nous ne sommes pas obligés de donner des appréciations sur le pape tous les jours. Les gens n’attendent pas cela, les gens n’attendent pas que, dans vos sermons demain, il y ait toujours quelque chose sur le pape. Il y a bien d’autres sujets. Laissez ce problème qui est justement un problème très délicat, difficile, douloureux d’ailleurs, qui peine tous les fidèles, qui les fait souffrir. Alors si quelqu’un vient vous trouver en particulier, eh bien donnez-lui la solution de la Fraternité, ce que l’on pense dans la Fraternité : « voilà la ligne de conduite de la Fraternité dans les circonstances actuelles par rapport au pape, par rapport aux sacrements, par rapport à la messe ». Mais n’en faites pas toujours un sujet de sermon qui fait que les gens sortent de là, anxieux, les uns discutent : « Ah ! il a dit cela ? Mais ce n’est pas tout à fait juste, et ceci et cela… » Cela ne fait pas de bien, ça trouble les gens, ça ne sert à rien. Ce que les gens demandent, c’est la sanctification, c’est d’être sanctifiés par les sacrements, par le Saint-Sacrifice de la Messe. Parlez-leur de leurs problèmes, de la sanctification personnelle. Dieu sait si les sujets ne manquent pas ! Une fois ou l’autre, évidemment, à l’occasion d’une conférence ou si vraiment il y en a qui vous demandent, réunissez ces quelques personnes et puis expliquez-leur d’une manière précise la situation.

« Mais ce que les fidèles attendent de vous, c’est que vous soyez des prêtres comme tous ceux qui vous ont précédés et qui ont sanctifié ces villages. Combien il y a eu de saints prêtres qui n’ont pas tous été des saint Curé d’Ars, mais qui ont vraiment sanctifié la population, leur village, qui étaient vraiment des prêtres, des prêtres auxquelles les personnes se confiaient et qui, comme saint Pie X – on le lisait encore hier – allaient au chevet des mourants et les aidaient à bien mourir, les préparaient à la mort. C’est une vie extraordinaire que la vie du prêtre, une vie inouïe : Préparer les enfants à la Première Communion, à la Confirmation, leur faire le catéchisme, les garder dans la foi, préparer peut-être des vocations religieuses, des vocations sacerdotales. Alors, pour cela, évidemment, je pense que la grande vertu du prêtre, c’est la charité, la vertu de Dieu : Dieu est Charité. Et c’est cela que nous devons être. »


Mgr Marcel Lefebvre, retraite sacerdotale, 1980