samedi 5 octobre 2013

La Fraternité Saint-Pie X, émanation de « l’Église conciliaire » ?

Certains milieux marginaux de la Tradition, faisant subir quelques contorsions à la pensée de Mgr Lefebvre, avancent aujourd’hui l’idée que « l’Église conciliaire » serait une entité structurelle indépendante et distincte de l’Église catholique fondée par Notre Seigneur. Les conséquences de cette dérive doctrinale sont assez dramatiques. Elles condamnent forcément le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X qui a passé son temps à se rendre auprès  des autorités pourtant imbues des idées du Concile, afin de trouver un modus vivendi.

Ces mêmes groupes avancent l’idée que Mgr Lefebvre aurait reçu l’approbation de la véritable Église puisqu’elle aurait été approuvée par Mgr François Charrière, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg le 1er novembre 1970. Et ces mêmes pourfendeurs de « l’Église conciliaire » – terme inventé par Mgr Benelli – n’hésitent pas à faire du brave Mgr Charrière le deuxième père de la Fraternité. Après tout, c’est lui qui a signé l’acte de naissance de la Fraternité : son décret d’érection. Mais était-il bien en phase avec Mgr Lefebvre ?

Les deux hommes s’étaient connus à Dakar lorsque l’évêque de Fribourg était venu pendant une quinzaine de jours visiter les Suisses installés au Sénégal. Ils avaient sympathisé et Mgr Lefebvre avait maintenu les relations. Comme l’université de Fribourg avait plutôt bonne réputation, l’archevêque avait installé son séminaire dans la ville puis avait requis l’autorisation de son ami, Mgr Charrière. Mais ce dernier lui avait, dans un premier temps, conseillé d’envoyer ses futurs prêtres dans le séminaire interdiocésain :

« Alors je suis allé voir Mgr Charrière et je lui ai demandé s’il n’y avait pas quelque chose quand même à Fribourg qui soit mieux que cette maison des Pères du Saint-Esprit, où les quelques séminaristes dont je m’occupais, pourraient trouver place et une certaine formation. Il m’a répondu : « Vous savez, Monseigneur, la situation est très mauvaise actuellement, elle va toujours en empirant ; et je suis très pessimiste sur l’avenir même du diocèse et de la formation sacerdotale. Je suis pessimiste, je ne sais pas comment les choses vont tourner. En tout cas, nous avons, oui, un séminaire interdiocésain qui sert tous les diocèses de Suisse et qui reçoit même des étudiants en civil. Par conséquent, il pourrait bien recevoir vos étudiants aussi. Alors, peut-être, allez voir là. » (1)

Bien étranger au Coetus, Mgr Charrière était en réalité un véritable esprit conciliaire, avant même Vatican II. Lors de son accession au Siège de Fribourg, la Voix ouvrière, quotidien communiste romand, loua la « réputation d’homme de gauche » du nouvel évêque. C’est à cette époque qu’il encouragea le Conseil œcuménique des Églises, pourtant fermement interdit par Rome. Dès 1960, le prélat adressa au Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, dont il était membre actif aux côtés du cardinal Bea, une note sur la liberté de conscience qui allait marquer les esprits et former, aux côtés des écrits de Mgr Émile de Smedt, le terreau de Dignitatis Humanae, texte en faveur duquel il vota naturellement. Par ailleurs, Mgr Charrière était très engagé dans l’œcuménisme. Il n’hésita pas à dialoguer avec les Protestants et, à l’époque où il recevait les demandes de Mgr Lefebvre pour reconnaître son œuvre, il s’envolait en 1970 vers la Moscou soviétique pour représenter Paul VI aux obsèques du patriarche schismatique Alexis Ier, allié au pouvoir de Brejnev, dans un geste d’œcuménisme accompli.


A bien des égards, Mgr François Charrière était un représentant confirmé de ce que Mgr Benelli appela « l’Église conciliaire ». Et c’est pourtant lui qui a érigé l’institut de droit diocésain appelé : « Fraternité sacerdotale Saint-Pie X ». Considérer que cette expression recouvre une entité structurelle distincte de l’Église catholique, c’est malheureusement conclure que la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X est non pas une fondation de l’Église catholique, mais une émanation d’une structure schismatique. Dire que telle n’était pas la pensée du fondateur, c’est enfoncer une porte ouverte.

Côme de Prévigny

(1) Mgr Marcel Lefebvre, Petite histoire de ma longue histoire, 1999.

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