dimanche 30 juin 2013

30 juin 1988 - 30 juin 2013 : Il y a 25 ans, les sacres

Il y aurait tant à dire sur cette fameuse cérémonie des sacres épiscopaux du 30 juin 1988. Nous avons eu l’occasion d’en restituer récemment le climat et les motivations. Jamais elle ne fut un schisme car Mgr Lefebvre n’a eu qu’un souhait : agir « pour l’amour du pape » et « pour l’amour de l’Église ». Il s’est trouvé devant un véritable cas de conscience. Pour autant, il n’a jamais désiré créer une église parallèle, un mouvement personnel ni même une mouvance séparatiste. Cette cérémonie n’a pas non plus été un changement radical d’attitude où Mgr Lefebvre aurait fini par jeter l’éponge et désiré manifester son dépit à l’égard des autorités de l’Église dont il aurait voulu se séparer. Les sacres n’étaient que le parachèvement des ordinations qu’il avait conférées pendant des années et il n’a transmis l’épiscopat que parce qu’il était acculé face à la mort. Quelques mots suffiront à illustrer cet anniversaire, nous les empruntons au journaliste Yann Clerc :


Les yeux du salut éternel
Il m'étonne aujourd'hui de conserver en mémoire si peu d'images de la cérémonie des sacres. J'ai pourtant vécu celle-ci à Écône, avec la plus intense émotion d'une vie de journaliste, naturellement fertile en sensations fortes.
Cette évanescence ne me trouble pas. Je n'en sais pas le motif. Il est d'ordre supérieur. Dans la grande prairie inclinée au pied du séminaire international, mon regard a tout simplement croisé, ce jour-là, les yeux de Monseigneur Lefebvre.  Leur lumière éloquente a rejeté dans l'ombre mes autres souvenirs. Nos savants canonistes voudront bien ne pas se formaliser, le visage creusé mais heureux de Monseigneur a fait mieux encore pour la paix de ma conscience que leurs précieuses assurances d'être en règle avec l'Église.
Sachant sa mort approcher, et l'annonçant, Monseigneur ne pouvait pas alors, ne pas être plus que jamais préoccupé de son salut éternel. Or il émanait de sa personne une tranquille certitude du devoir accompli, une humble confiance en son jugement inspiré. Cela garantissait le propre salut de ses fidèles.
« Je prie le Bon Dieu de nous retrouver tous au paradis », avait confié sur son lit de mort la sainte maman de Monseigneur. Si près d’être réunis, aurait-il pu, me disais-je, entreprendre, contre son cœur de fils aimant, un acte qui risquât de les séparer ? « Là-haut, je serai toute puissante. Je vous aiderai », furent les ultimes paroles de Madame Lefebvre, destinées à ses cinq enfants religieux ou religieuses.
Le 30 juin 1988, l’idée personnelle m’était venue que Monseigneur pensait, dans l’intimité de son âme, à sa chère mère. L’idée – certes trop humaine – ne m’a plus quitté qu’ils ont reformé dans le Ciel le cercle béni de leur famille. Et qu’ils nous sont « plus présents encore sur la terre ». (Y.C.)
Extrait de Fideliter N°123, mai-juin 1998

C. de P.

samedi 22 juin 2013

Mgr Lefebvre : Le pape actuel est le pasteur de l’Église universelle

Au tournant des XIXe et XXe siècles, les historiens avaient coutume de parler des « Deux France ». Il y avait la France catholique, royaliste et ultramontaine d’un côté, et la France républicaine, anticléricale et laïque de l’autre. Dire en laquelle de ces deux « France » nous nous reconnaissons n’est pas un grand mystère… Il s’agissait pour ces auteurs de distinguer des tendances ou plutôt des mouvements d’idée, non de différencier des entités structurelles clairement définies. Ainsi, serait-il absurde et ce serait même un sophisme que d’avancer que l’actuel président de la République gouverne un autre pays que la France sous prétexte qu’il serait à la tête de la France laïque à l’exclusion de la France catholique.

Afin de mieux nous aider dans la compréhension de la situation de l’Église, Mgr Lefebvre prononça une déclaration très claire distinguant deux tendances dans l’Église : la Rome éternelle, catholique et gardienne de la foi d’une part et la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante d’autre part. Mais on userait du même sophisme si on concluait de cette distinction que le pape est simplement le chef de l’Église conciliaire mais pas de l’Église catholique. On aboutirait d’ailleurs à une situation où l’Église catholique n’aurait, quant à elle, plus de chef. Cela a un nom : le sédévacantisme.

Plusieurs années après avoir prononcé sa fameuse déclaration de 1974, Mgr Lefebvre, s’adressant à ses séminaristes d’Écône, reprochait à certains de mal interpréter ses propos et rappelait que les papes actuels, malgré leurs déviances, sont bien évêques de Rome, successeurs de Pierre et pasteurs de l’Église catholique :

« Je ne veux pas dramatiser ce qui n’est pas dramatique, mais j’ai parfois l’impression que il y en a vraiment qui ont une manière d’interpréter les choses,  même les choses que je dis moi-même ici ou les choses qui sont dites par les professeurs ou par M. le directeur, d’une manière qui n’est pas toujours exacte, qui n’est pas toujours très juste. Dieu sait combien de fois j’ai déjà eu l’occasion de parler très clairement de ce qu’il fallait penser du pape, de ce qu’il fallait penser de la messe, de l’assistance à la messe nouvelle, combien de fois j’ai eu l’occasion de parler de ces choses-là, mais il semble qu’il y ait toujours à ce sujet-là, certaines discussions, de mauvaises compréhensions. Je sais bien qu’on se trouve dans une période difficile, douloureuse. Il n’y a plus d’autorité, il n’y a plus de gouvernement. Le pape n’est pas hérétique, mais il laisse se diffuser malheureusement l’hérésie partout, par la faveur donnée précisément à cet œcuménisme et à cette ambiance qui fait qu’on se demande si la foi dans l’Eglise, dans la vérité de l’Eglise catholique et dans l’unicité de l’Eglise catholique, est encore bien ancrée dans sa pensée et dans sa manière de voir. Mais enfin, je ne pense pas qu’on puisse dire que les papes libéraux que nous avons eus depuis le pape Jean XXIII soient des hérétiques formels. Alors je pense également qu’il faut toujours nous rappeler qu’il ne peut pas y avoir d’autre pape que celui qui est sur le siège de Pierre, que l’évêque de Rome. Le pape est pape parce qu’il est évêque de Rome. Il est d’abord évêque de Rome. Ensuite, parce qu’il est évêque de Rome, il est sur le siège de Pierre, il est successeur de Pierre et donc pasteur de l’Eglise universelle. C’est une chose très importante, fondamentale pour l’Eglise. Même si le pape devait quitter Rome un jour, chassé de Rome qui était dévastée par les ennemis, eh bien ce serait toujours l’évêque de Rome qui serait le successeur de saint Pierre, même dans la diaspora, même parti, il serait toujours celui qui est choisi par le clergé romain, élu par le clergé romain. Et le clergé romain, ce sont les cardinaux actuellement, qui ont tous un titre à Rome, un titre de paroisse. Ils sont tous curés de Rome. Ce sont les curés de Rome qui élisent le pape. C’est parce qu’il est évêque de Rome qu’il est pape. Et c’est pourquoi le pape va toujours prendre possession solennellement de la cathédrale de son diocèse, du diocèse de Rome au Latran, d’une manière solennelle. Alors on ne peut pas se séparer. »

(Conférence aux séminaristes du 10 janvier 1983)

jeudi 13 juin 2013

Mgr Lefebvre : tenue vestimentaire et esprit d'apostolat

Dans toute l’attitude de Mgr Lefebvre, on trouve cet équilibre entre le défaut et l’excès. Il pointe du doigt le mal en récusant d’une part l’absence de tout jugement, hélas généralisée chez les promoteurs des réformes qui préconisent l’abandon de toute parole  contrariante, et d’autre part l’excès qui fait perdre l’esprit du jugement pour appliquer de manière irréfléchie une lettre qui va finir par tuer lorsqu’elle sera devenue une fin en soi. Le sujet de la tenue vestimentaire est assez symptomatique de l’attitude du fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, toute en mesure et fondée sur l’esprit d'apostolat. Celui-ci veillait à dénoncer l’immodestie galopante dans les manières de s’habiller tout en veillant à ne pas recourir à des attitudes fébriles ou passionnées :

« Il faut savoir faire pénitence, refusant tout ce qui est trop mondain, tout ce qui flatte la chair, toutes ces modes indé­centes. Toutes ces choses-là doivent être absolument pros­crites pour de vrais chrétiens, sinon nous n'obtiendrons pas les grâces du Bon Dieu, les grâces qui sont nécessaires actuellement à notre salut. On ira toujours de malheur en malheur. » [1]

Parfois, dans ses interventions, Mgr Lefebvre parvient, par une démarche apologétique, à pousser les fidèles à veiller à la tenue du dimanche, laquelle honore Dieu et valorise le chrétien. Ainsi présente-t-il à des populations aisées de l’Europe chrétienne les efforts des habitants du Cap-Vert qu’ils avait connus en Afrique. Ces derniers mettaient le meilleur d’eux-mêmes pour se rendre dignement à l’église :

« Si on allait les voir dans leurs villages avant qu’ils ne sachent que le Père allait venir, on les trouvait avec des guenilles sur le dos, de véritables guenilles, des habits déchirés, presque nus… travaillant comme ça les champs. Quel travail pouvaient-ils faire ? Parce qu’il pleuvait très peu ; c’était très sec, très pauvre. Mais, dès que c’était la fête, le dimanche, on aurait cru que les gens étaient très aisés parce qu’ils mettaient l’unique robe l’unique habit qu’ils avaient, ils le mettaient le dimanche. Alors c’était la grande fête, évidemment ! [2] »

En même temps, Mgr Lefebvre semble se méfier d’un rubricisme qui mettrait en péril l’esprit d’apostolat, ne tenant plus compte du manque de formation ou des dispositions parfois ingénues de ceux qui poussent la porte. Dans les mots qui suivent, le fondateur s’adresse à ses séminaristes mais, à travers eux, il semble également mettre en garde ces fidèles que nous sommes et qu’ils auront ensuite en charge.

« Qu’est-ce que vont faire ceux-là qui se critiquent mutuellement aussi bien les uns que les autres ? Ils ne pourront pas vivre dans le ministère. Ils vont chasser tous leurs paroissiens les uns après les autres parce qu’ils vont anathématiser celui-ci, anathématiser celui-là, ils vont critiquer celui-ci, ils vont critiquer celui-là ; parce qu’il manquera un centimètre aux robes des femmes, ils les mettront toutes à la porte ! Il y en a une qui a oublié sa voilette sur la tête ? Eh bien, elle est excommuniée ! Voilà des choses invraisemblables ! Faire des révolutions de palais pour une histoire de mantille, pour une histoire d’un centimètre de longueur, c’est invraisemblable ! Il faut quand même vivre avec les gens, non pas qu’il ne faille pas leur donner des conseils, non pas qu’il ne faille pas essayer de les ramener à la vérité, mais précisément pour les ramener à la vérité, si on les rejette dehors, comment voulez-vous les ramener ? Alors si on est toujours ici à se rejeter les uns les autres, si vous pensez que vous êtes davantage dans la vérité que l’autre, essayez de discuter avec lui. Il n’est pas d’accord ? Mais peut-être que demain il aura réfléchi. Et puis peut-être que ce n’est pas vous qui êtes dans la vérité. Tant pis si on n’est pas tout à fait d’accord, on s’entend et puis c’est tout [3]. »


[1] Conférence à Rennes, novembre 1972.
[2] Conférence à Écône, 12 décembre 1977.
[3] Conférence à Écône, 20 septembre 1977.

vendredi 7 juin 2013

Mgr Lefebvre : Une dévotion à saint Joseph profonde et enracinée

Cette année 2013 a été placée par la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X sous la protection de saint Joseph. Au cours de l’année 1989, Mgr Lefebvre prêchait devant ses prêtres sur le rôle et le pouvoir d’intercession du chaste époux de la Très Sainte Vierge Marie. Il livrait dans ces quelques propos une méditation particulièrement recueillie et admirative de ce père nourricier qui commande sans se perdre en paroles, qui vit profondément uni à celui qui est à la fois son fils et son Dieu. Le fondateur de la Fraternité, bien qu’il n’ait jamais foulé le sol de la Terre Sainte, fait entrer ses interlocuteurs dans l’intimité de la Sainte Famille à Nazareth avec un réalisme qui permet de sonder dans une petite mesure le mystère divin.

« Il ne faut pas négliger la dévotion à saint Joseph parce que saint Joseph a fait l’objet d’un choix extraordinaire. Dieu ne lui a pas donné un rôle comme celui de la Très Sainte Vierge Marie mais il lui a cependant donné un rôle extraordinaire en lui confiant ce qu’il a de plus cher, la Vierge Marie et Notre Seigneur, pendant trente ans ! Pendant trente ans saint Joseph a été responsable et chef, il a eu une autorité paternelle sur la Très Sainte Vierge Marie et sur Notre Seigneur, et sur Dieu, vraiment ! Saint Joseph a commandé le Bon Dieu ! Il est bien le seul ! Un choix absolument extraordinaire parmi les hommes. Quel homme peut dire : « J’ai commandé Dieu ? »
 
« On ne sait pas ce qui s’est passé à Nazareth, malheureusement, on n’a aucun détail, mise à part la fugue de Notre Seigneur au milieu des docteurs, mais sinon on ne sait rien de ce qui s’est passé. Cependant, on peut très raisonnablement supposer que Notre Seigneur a travaillé avec saint Joseph pendant une bonne quinzaine  d’années, en l’aidant dans son travail. Donc il était constamment avec saint Joseph, et autant qu’on peut en juger, c’est saint Joseph qui donnait les ordres ! Chose inimaginable !
 
« Pour la sainte Vierge et pour saint Joseph, ils ont dû avoir, non pas des problèmes de conscience mais se dire :  « Cette personne avec laquelle nous sommes, c’est Dieu, c’est lui qui nous a faits, c’est lui qui nous entretient dans notre existence, c’est lui qui nous connaît beaucoup mieux que nous nous connaissons nous-mêmes puisque c’est lui qui nous a faits, c’est lui qui connaît nos pensées avant même que nous les exprimions, avant même que nous les ayons pensées, Dieu sait déjà ce que nous pensons et ce que nous allons penser. Il connaît tout, il sait tout de nous, cet enfant grand comme ça. »
 
« Imaginez votre comportement de savoir saint Joseph et la Sainte Vierge dont le bon Dieu leur a donné les grâces particulières pour se comporter avec Notre Seigneur à la fois dans l’adoration, dans la discrétion, et en même temps dans un esprit très naturel. Il n’est pas possible que le Bon Dieu leur ait fait ces grâces et en même temps les ait mis dans cette espèce de contrainte et de gêne continuelle vis-à-vis de Notre-Seigneur. Ils ont agi très simplement, comme s’il était leur enfant. Mais en même temps ils ne pouvaient pas nier qu’ils avaient Dieu au milieu d’eux. Grand mystère ! Mystère incroyable, invraisemblable. Enfin cela leur donnait à tous les deux une dignité qui dépasse tous les dignités. Donner à une pauvre créature comme saint Joseph le droit et le devoir de commander la Très Sainte Vierge et Notre Seigneur lui-même. Et quand il a dit : « Eh bien, partons en Egypte » ! La Sainte Vierge n’a pas hésité un instant, elle a obéi, on est parti en Egypte. « On rentre à Nazareth ! » Et on est rentré à Nazareth ! « On part pour Jérusalem au moment de la prière, au moment de la Pâque, on part à Jérusalem ! »
 
« Alors saint Joseph avait un pouvoir, pouvoir sur Notre Seigneur, ce pouvoir qu’il a eu sur terre comme le bienheureux L.-M. de Montfort le dit pour la Très Sainte Vierge : Dans une certaine mesure, saint Joseph garde un peu ce pouvoir au Ciel en souvenir de ce pouvoir que le Bon Dieu lui a donné sur la Terre. Donc saint Joseph a certainement une puissance d’intercession extraordinaire. Il semble qu’apparemment on n’ait pas suffisamment donné à saint Joseph la place dans les dévotions qui lui revient, parce que c’est néanmoins un fait exceptionnel : il n’y a aucun homme qui puisse se prévaloir d’avoir été intime et en même temps avoir eu un pouvoir sur Dieu lui-même.
 
« Alors n’hésitons pas nous aussi à confier un peu notre apostolat à saint Joseph, à confier nos pensées, nos soucis. On a l’habitude de confier nos soucis matériels, mais je pense que ce n’est pas suffisant. Saint Joseph peut faire plus ! Confions les soucis de notre apostolat, parce que saint Joseph a également gardé le célibat, il est demeuré vierge. Alors confions-lui aussi notre vertu et demandons à saint Joseph de nous aider à rester comme lui, aussi pur que lui, aussi parfait, dans la mesure du possible, que lui. »