mardi 8 janvier 2013

Le cardinal Oddi à Écône : « Merci Monseigneur ! »


Bien méconnue est la figure du cardinal Oddi qui a si généreusement accueilli Mgr Lefebvre à chaque fois qu’il s’est rendu à Rome. Ce dernier trouvait en lui une oreille attentive qui souhaitait ardemment que le différend entre Rome et Écône soit avantageusement résolu. Quand il fallait intercéder auprès du pape en faveur du fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, le cardinal Silvio Oddi était là. Il n’a pas ménagé sa peine, notamment lorsqu’il a fallu nommer un visiteur apostolique pour inspecter les lieux de la Fraternité Saint-Pie X, peu avant les sacres.


Bien sûr, certains pourront objecter qu’il ne s’est pas « rallié » à Écône, qu’il n’a pas publiquement vanté les mérites de la Fraternité Saint-Pie X et qu’ainsi il aurait éventuellement failli à sa mission. Ce faisant, ces objecteurs risquent fort de reprocher à cet homme de ne pas avoir bénéficié des grâces qu’ils ont eux-mêmes reçues sans mérite de leur part. Qu’auraient fait ces derniers s’ils avaient été ce cardinal italien, ancien nonce en Belgique que Jean-Paul II nomma chef de dicastère peu après son élection ?


Né dans la campagne de Plaisance en 1910, légat apostolique au Moyen Orient sous le pape Pie XII, internonce en Égypte, Silvio Oddi fut nommé par Jean XXIII nonce apostolique en Belgique où il a vu une part de la Chrétienté s’effondrer devant ses yeux. Quinze ans plus tard, le 28 septembre 1979, le pape Jean-Paul II le nommait préfet de la Congrégation pour le Clergé.


Dans ses entretiens avec Mgr Lefebvre, il ne mâchait pas ses mots, lui assurait que la définition du nouvel ordo était hérétique. Et lorsque le prélat d’Écône lui envoya une lettre solennelle, ainsi qu’à quelques autres princes de l’Église, afin qu’il se manifeste devant la tragédie qui allait s’opérer à Assise le 27 octobre 1986, il n’a pas craint de se lever en séance pour reprocher au pape d’aller explicitement à l’encontre de l’encyclique Mortalium Animos qui proscrivait les congrès visant à réunir pour la paix des dirigeants de religions diverses qui construisaient un pacifisme à l’écart de Jésus Christ.


Après la disparition de Mgr Lefebvre, le cardinal Oddi aurait pu se terrer dans le silence et la tristesse. Il a néanmoins tenu à se rendre à Écône. Au mois d’août 1991, il a téléphoné au séminaire pour dire qu’il se trouverait en Valais le mois suivant. Et le 18 septembre, conduit par son neveu, il est arrivé sur les lieux. Accueilli par le directeur, l’abbé Michel Simoulin, il a partagé en silence le repas des séminaristes et a pris le café avec les prêtres présents. Il n’a pas caché sa joie d’être au sein de la maison fondée par Mgr Lefebvre ni ses sentiments à l’égard de la sainteté de ce personnage de l’Église. Il a confirmé qu’à ses yeux la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX) était unie à l’Église romaine et a dit souhaiter ardemment qu’un accord soit conclu entre Rome et la Fraternité pour le bien de cette dernière, tout en précisant bien que son déplacement était le fait de sa propre initiative.


Au cours de la conversation, les prêtres lui ont demandé si, d’après lui, Rome aurait consenti à accorder l'évêque promis au cas où l'accord aurait été maintenu. Pour toute réponse, il a fait ce signe très italien : se frotter le menton avec le dos des doigts, ce qui signifie : niente !  (Jamais de la vie !). En même temps, il reconnaissait que le poids des évêques consacrés permettait désormais à la FSSPX d’obtenir une structure semblable à celle de l’Opus Dei.


Ensuite, le cardinal a demandé au directeur de pouvoir se recueillir sur la tombe de Mgr Lefebvre. Seul avec le directeur, il a remonté la pente qui conduit au caveau où repose le corps de l’archevêque. Le prince de l’Église s’est recueilli en silence pendant quelques instants devant cette plaque sur laquelle est inscrit le nom du prélat et cette phrase qu’il a voulu : Tradidi quod et accepi. Le cardinal Oddi a conclu par un simple cri : « Merci Monseigneur ! ».


« Nous étions seuls, mais je l’entends encore » affirme l’abbé Simoulin.


Ajoutons que le cardinal Oddi a travaillé à la Curie aux côtés du pape Jean XXIII. « Quand je lui ai demandé lors d'une audience, a-t-il rapporté,  pourquoi en 1960, lorsque l'obligation de garder le secret était venue à sa fin, il n'avait pas rendu publique la dernière partie du message de Fatima, il a répondu avec un soupir las. Il a alors dit: "Ne me remettez pas ce sujet, s'il vous plaît ... » Après avoir interrogé en 1982 sœur Lucie, le cardinal s’est autorisé à affirmer dans ses mémoires, en 1995 : « le Troisième Secret, que Jean XXIII et ses successeurs pensèrent inopportun de révéler, ne concernait pas une conversion supposée de la Russie, encore loin de devenir une réalité, mais concernait la « révolution » dans l'Eglise (Vatican II). À partir de ce concile, de nombreuses innovations sont nées qui semblent constituer une véritable révolution interne. »

Côme de Prévigny



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire