mercredi 30 janvier 2013

Mgr Lefebvre met en garde contre l'apparitionnisme

Au cours des années de développement de la Fraternité Saint-Pie X, son fondateur a, à plusieurs reprises, recouru aux messages de Notre Dame à La Salette ou à Fatima pour montrer que la Très Sainte Vierge Marie avait averti contre les dangers de notre temps, nous avait prévenu contre la déchristianisation des sociétés et même d'une partie du clergé. Peu de temps après les sacres, à l'occasion d'une retraite spirituelle qu'il a dispensé en 1989, Mgr Marcel Lefebvre a cependant voulu mettre les choses au point et mettre en garde contre l'abus de ces prédictions. Fonder toute sa foi sur les apparitions est dangereux, a-t-il expliqué. C'est une maladie qui pourrait gagner nos milieux a-t-il indiqué :

« Il y en a qui se croient obligés de faire état de toutes les apparitions, même celles qui ne sont pas reconnues officiellement par l’Eglise et leur prédication est constamment appuyée par ça, il semble que s’ils n’avaient pas cela, ils auraient de la peine à étayer, je dirai, la prédication qu’ils font. C’est dommage parce que ça fait fausser un peu l’esprit des fidèles. Les apparitions sont des suppléments que le Bon Dieu veut bien nous donner par l’intermédiaire de la Très Sainte Vierge, mais ce n’est pas ça qui doit faire le fondement de notre spiritualité, ce n’est pas ça qui doit faire le fondement de notre foi ; s’il n’y avait pas l’apparition, la foi resterait la même, et les fondements de notre foi resteraient les mêmes. Alors il est un peu dangereux de donner l’impression que sans les apparitions on ne pourrait pas tenir devant les difficultés actuelles dans la vie spirituelle. C’est dommage ! C’est dangereux.
« Et puis, vous le savez bien, aux apparitions pour lesquelles il peut y avoir une probabilité d’intervention de la Très Sainte Vierge, d’intervention miraculeuse, il y a une foule, foule de messages, de communications, invraisemblables, invraisemblables, plus extravagantes les unes que les autres. Je dirais presque : plus c’est extravagant, et plus on y croit. C’est très dangereux, très dangereux. Certainement le démon profite de cela. Enfin c’est un des moyens pour le démon presque de détourner les âmes des fondements de la foi, et de les entraîner comme ça vers du sentimentalisme, vers une piété qui n’est plus fondée vraiment sur la foi, sur Notre Seigneur. Personnellement, j’ai toujours été, je me suis efforcé vraiment au séminaire de donner de nouveau ces principes fondamentaux de la foi, et d’éviter cette introduction trop insistante des différentes apparitions.
« Qu’on aille à Fatima, qu’on aille à Lourdes, qu’éventuellement et individuellement on aille prier à San Damiano ou à Garabandal, bon, à la Salette, c’est bien ! Mais qu’on en fasse encore une fois une espèce de condition et que si quelqu’un n’y va pas, ou si quelqu’un, je ne sais pas, ne suivrait pas ce qu’une personne a entendu, ou un message qu’elle a reçu là où elle se trouvait dans ces apparitions et qu’on ne le suive pas, alors on est plus catholique, on est plus chrétien si on ne suit pas ses injonctions qui sont données soi-disant par la Sainte Vierge par telle personne qui a été là-bas. Ça devient impossible ! c’est inadmissible ! On ne peut pas se laisser guider par ces choses-là, ce n’est pas possible ! Alors il faut être très, très, très, très prudent, et malheureusement, il faut le dire, cette maladie, si on peut dire, se développe énormément  dans les milieux traditionalistes, énormément. Peut-être encore plus même dans les milieux d’Allemagne et de Suisse allemande. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas à quoi ça tient, je n’en sais rien. Mais il y a certainement dans ce milieu une proportion plus grande à recevoir tous ces messages et toutes ces choses extraordinaires.
« Alors prenons bien garde dans ces prédications de ne pas nous lancer dans ce domaine et de ne pas détourner les gens des efforts qu’ils doivent faire, appuyés sur les principes traditionnels de l’Eglise. Il faut avoir cette conviction, et il faut mettre dans l’esprit des gens cette conviction que toute la rénovation de la société, des individus, des familles, ne viendra que par Notre Seigneur Jésus-Christ. C’est vraiment le principe de saint Pie X. Et c’est pourquoi le patronage de saint Pie X nous est si utile : instaurare omnia in Christo. Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures ; c’est inutile d’aller chercher ailleurs ; il faut tout restaurer dans le Christ. Et si l’on prêche le Christ, tout viendra, tout, tout, tout, jusqu’aux dernières conséquences, jusqu’à la christianisation de la société toute entière. Ça viendra par Notre Seigneur Jésus-Christ. Plus nous prêchons Notre Seigneur Jésus-Christ, plus nous prêcherons son règne, plus nous prêcherons la dépendance des âmes de Notre Seigneur Jésus-Christ et plus nous ferons avancer la sanctification des individus, la sanctification des familles et la sanctification des sociétés. Ça, c’est clair ! Il ne faut pas chercher par ailleurs. »
Mgr Lefebvre parlait d'autant plus librement de ce sujet  qu'il était un dévot de la Très Sainte Vierge Marie et qu'il se rendait régulièrement dans les lieux qu'elle avait bénis de sa présence. Déjà la famille Lefebvre partait régulièrement en pèlerinage à Lourdes où le père, René Lefebvre, servait comme brancardier. Le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X n'y manquait jamais de s'y arrêter. La photographie qui a servi de couverture pour la version française de la biographie écrite par Mgr Tissier de Mallerais y a d'ailleurs été prise.

mercredi 23 janvier 2013

L'abbé Bonneterre parle de Mgr Lefebvre : « Il nous a appris la romanité »

Le 15 septembre 2009, Dieu rappelait à lui l’âme de l’abbé Didier Bonneterre, l’un des plus ancien prêtres de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X. Rentré au séminaire dès le mois de septembre 1971, c’est à lui qu’on doit le fait que la liturgie ait été conservée dans la forme que le pape lui avait donnée en 1962. Il avait été professeur à Écône puis directeur des années de formation sacerdotales qui se déroulait alors à Albano. Pendant vingt-deux ans, il fut prieur à Nantes, l’une des maisons les plus florissantes de l’œuvre. L’abbé Boubée, son confrère, confiait, après sa disparition, ces quelques lignes : « Son caractère, apte à dédramatiser les situations, lui évitait de s’investir dans les petites querelles stériles que la crise de l’Église engendrait parfois entre séminaristes ». Quelques mois avant sa mort, il avait prononcé à l’occasion de la première messe d’un jeune prêtre de la Fraternité un vibrant hommage au fondateur, rappelant son indéfectible romanité, malgré les difficultés. Voici la deuxième partie de ce prêche prononcé le lendemain de la publication du Motu Proprio Summorum Pontificum et dont nous transcrivons à la suite les dernières lignes :


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« Si nous avons dû nous opposer pendant tant d’années aux autorités romaines, c’est pour l’amour du pape. Mgr Lefebvre le disait sans arrêt à temps et à contretemps. Jamais il ne s’est égaré dans les dédales de ceux qui imaginaient que le Souverain pontife avait perdu son autorité, qu’il n’y avait plus de pape. Jamais il ne l’a suivi aveuglément parce que la foi lui avait donné ce discernement dans le bon choix, des attitudes au bon moment. Et en ce grand jour, mes bien chers frères, en ce lendemain de ce qui est une première victoire mais qui est encore très loin d’être le rétablissement de l’Église dans sa splendeur, eh bien nous pouvons constater que l’œuvre de Mgr Lefebvre, la direction qu’il a donnée à sa Fraternité, la formation qu’il nous a donnée, que ses successeurs nous donnent, ont impressionné les autorités pontificales à un très haut niveau et peu à peu Rome a vu clair. Or ce drame de l’interdiction inique de la messe traditionnelle, rappelez vous cette période, où sur tous les tons de la gamme, on nous disait que cette messe était interdite, eh bien, vous lirez dans le Motu Proprio qu’elle devra être célébrée dans toutes les paroisses au moins sous la forme d’une messe tous les dimanches et les fêtes d’obligation. Eh bien, c’est parce que Mgr Lefebvre nous a donné l’exemple de la force, l’exemple du non à l’injustice que la messe a retrouvé ses droits. Mgr Fellay, vous avez pu le remarquer, tient beaucoup de Mgr Lefebvre. Il a la même direction. Il oriente la Fraternité de la même manière. Et on peut même dire qu’il a les mêmes intonations. Eh bien voilà ce qu’il nous faut être, cher M. l’abbé.
 « Ce qu’il nous a laissé, enfin, dans sa direction du séminaire d’Écône, bien sûr, c’est l’amour de la doctrine après l’amour de la prière et c’est essentiellement l’amour de la messe. Il nous disait : « Lorsqu’un prêtre a célébré sa messe, il a fait l’essentiel de son labeur quotidien ». Eh bien, il est beau de voir que déjà Jean-Paul II reprenait ses idées dans différentes lettres. Sa dernière encyclique sur l’Eucharistie en témoigne. C’est parce que Mgr Lefebvre a été fidèle, docile à la Providence, amoureux de la messe. Il nous le disait en 1979 : « Comment voulez que je dise sur le calice de mon ordination d’autres paroles que celles que j’ai apprises en 1929 ? »  Eh bien ce jour marquera nécessairement, cher M. l’abbé, votre sacerdoce. Vous aurez et nous aurons des combats différents à mener. Et soyez bien persuadé que la seule condition d’efficacité de la suite – car ce n’est qu’un début – c’est l’obéissance, l’obéissance à notre supérieur général dont je vous rappelle qu’il était jeune homme et qu’il faisait du ski sur la pente d’Écône, qu’il a été l’élève le plus exemplaire d’Albano et d’Écône, qu’il a dès le début rempli les plus hautes fonctions, qu’il s’est mis dans les pas du grand archevêque. Eh bien, c’est cette condition d’obéissance, de fidélité qui fera le succès.

« La Providence, mes bien chers frères, fait bien toutes choses, mais elle a besoin de la Fraternité, elle a besoin de nous. Elle a besoin de vous tous, mes bien chers frères. Alors n’imaginez pas que vous pouvez quitter le bateau maintenant et vous dire : Ca y est, on a gagné. Non ! Qu’est-ce qui va se passer dans la mise en pratique du Motu Proprio le 14 septembre prochain ? Je vous le laisse à penser. Mais il faut que nous, nous tenions, que nous restions dans la barque de Pierre et c’est la barque de Pierre, mes bien chers frères, elle est totalement solidaire de la Fraternité dont Mgr Lefebvre disait, à l’époque où il dirigeait Écône, qu’elle était une sorte d’arche de Noé. Eh bien, que personne ne quitte l’arche sinon nous quitterions le bateau de  Pierre. Alors prions, pour que les prêtres ordonnés le 29 juin dernier – dont Antoine est un des plus jeunes – sachent suivre l’exemple de notre vénéré fondateur, se mettent aussi à l’écoute des anciens parce que nous avons connu des circonstances particulières. Nous avons vu comment il fallait réagir dans des crises – parfois internes hélas – ne pas se laisser entraîner par des coteries, ne pas tomber à gauche, ne pas tomber à droite, mais garder la vérité, qui est un juste milieu et un sommet, que Mgr Lefebvre a vécu et qui lui assuré, nous en sommes certains, sa bienheureuse éternité.

« Alors que ce jour soit un jour de joie, mais aussi un jour où nous prenons une résolution sérieuse de prier, mes bien chers frères. Priez pour vos prêtres ! Regardez des colosses – et je ne les citerai pas – qui nous ont quittés il n’y a pas si longtemps parce qu’ils ne savaient plus obéir. Eh bien, priez pour vos prêtres, mes bien chers frères. Soutenez vos prêtres ! Leur vie n’est jamais facile. Et priez, comme Mgr Fellay vient de nous le demander, avec cœur, pour le Souverain Pontife. Il vient d’engager un bras de fer terrible avec les conférences épiscopales. Il a besoin de nos prières et il l’a dit le vendredi saint qui a précédé son élection. « Priez pour que je ne sois pas dévoré par les loups ».  Souvenez-vous de cette parole, mes bien chers frères : La Fraternité est au service du Souverain Pontife. Elle a su le montrer. Elle saura le montrer et vous saurez le montrer, cher M. l’abbé. C’est la grâce qu’il nous faut demander aujourd’hui, qu’il nous vivre quotidiennement dans l’attente de l’Église dans toute sa splendeur qui ne sera pas l’Église des années cinquante, mais l’Église de 2007, de 2008, de 2009. Le combat change, mes bien chers frères ! La mission est la même : Rétablir la messe, rétablir la doctrine, aider le Souverain Pontife dans ce combat même si, apparemment souvent, nous ne sommes pas compris et si même parfois les pontifes romains eux-mêmes ne nous ont pas compris. Dieu veuille qu’ils nous comprennent davantage. En tout cas, c’est pour eux que nous donnons notre vie et c’est pour lui, mes bien chers frères, actuellement, que je sollicite vos prières. Cher Monsieur l’abbé, soyez ce prêtre de la Fraternité comme Mgr Lefebvre a su être prêtre, évêque, pour la gloire de Dieu, le bien de l’Église et pour l’amour du Souverain Pontife ».

mercredi 16 janvier 2013

Mgr Lefebvre : un gouvernement trop personnel ? Il y a 50 ans


On a souvent reproché à Mgr Lefebvre un gouvernement solitaire. Selon ses proches, il n'aurait pas su mettre suffisamment son entourage au courant de ses décisions, en posant des choix sans concertation, en ne prenant pas le temps d’expliquer, en ne recourant que parcimonieusement aux réunions constituées de ses subalternes. Le Père Augustin Berger, qui l’a bien connu au Gabon affirme qu’il était « très personnel dans ses appréciations et décisions[1] ». Mgr Fauret fut également très proche de Mgr Lefebvre au cours de ces années de mission au Gabon. Comme lui, spiritain, il enseigna également au Grand Séminaire de Libreville pour former des prêtres. Devenu quelques années plus tard évêque, il fut même co-consécrateur lorsque Mgr Lefebvre reçut l’épiscopat des mains du cardinal Liénart. Quelques décennies plus tard, alors que tous deux avaient participé au Concile Vatican II, Mgr Fauret reprocha à Mgr Lefebvre ce gouvernement personnel alors que ce dernier avait élu depuis quelques mois supérieur général. Cette lettre a été écrite il y a tout juste cinquante ans, jour pour jour[2] :

NN.SS. Marcel Lefebvre 1905 - 1991
et Jean-Baptiste Fauret  1902 - 1984
Pointe-Noire, le 16 janvier 1963,

Excellence et Très Révérend Père,

« Très occupé depuis mon retour au Congo, j’ai laissé passer le nouvel an sans vous écrire, mais non sans penser à vous devant Dieu surtout. Et en ce jour de la Saint-Marcel, j’ai spécialement prié pour vous le Cœur Immaculé de Marie et votre saint Patron que l’on fête le même jour, sans doute par une délicate attention de la Providence pour le nouveau Supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit et du Saint-Cœur de Marie.

« Aujourd’hui, m’autorisant des fraternelles relations du passé et de la respectueuse et filiale affection que je garde à mon actuel Supérieur général, je me permets de vous écrire sur un sujet bien particulier.

« Au moins autant que qui que ce soit, je me suis réjoui de votre nomination à la tête de la Congrégation ; je souffre d’autant plus d’entendre certaines réflexions vous concernant et de constater ou du moins de craindre un certain malaise chez plusieurs membres de la Congrégation, dans leurs relations avec le Supérieur général et préfère, en toute loyauté et simplicité, vous faire part, à toute fin utile, de ce que j’ai entendu ou cru comprendre. On vous reproche surtout à tort ou à raison (je n’ai pas les données ni sans doute les capacités voulues, pour en juger), d’être trop catégorique dans l’expression de certaines idées à option libre et, par ailleurs, d’être trop personnel. Je m’explique.

« D’abord, votre prise de position officielle si tranchée en faveur de Verbe et de la Cité catholique a gêné beaucoup de confrères vis-à-vis en particulier des autres évêques ; plusieurs « pères conciliaires » spiritains en arrivaient même à redouter vos interventions au Concile. S’il vous est toujours permis d’avoir votre opinion personnelle sur ce sujet comme sur d’autres où aucun choix n’est imposé, il est regrettable, dit-on, que, du fait que vous êtes Supérieur général, en vous prononçant officiellement et d’une façon si catégorique, vous engagiez la Congrégation elle-même.

« Par ailleurs, on dit que, dans votre façon d’administrer la Congrégation, vous seriez trop personnel. Autrefois déjà, et j’ai dû vous le dire en son temps, Mgr Tardy qui avait cependant pour vous beaucoup d’estime (et avec raison) n’avait pas accepté ma proposition de vous nommer vicaire général (charge incompatible avec celle de Supérieur religieux que j’étais déjà) prétextant que, avec vous, il ne serait pas suffisamment au courant de ce qui se projetterait ou se passerait, non certes par manque de franchise, mais par excès de discrétion ou peut-être de confiance naturelle en votre jugement.

« Sans doute, doivent être envisagés bien des changements et des bouleversements qui forcément ne seront pas du gré de tout le monde mais sont nécessaires pour vivifier et moderniser cette chère Congrégation ! Autant et plus que quiconque, vous aurez le courage d’agir en conséquence. Mais, au lieu de prendre les Confrères, Conseillers et autres, comme des « organismes d’enregistrement », dans le genre de l’actuel Parlement français, il serait de bonne politique et même peut-être souvent utile de faire d’abord des propositions et d’écouter les avis des intéressés qui ne demanderaient plus quelle nouvelle décision va tout d’un coup leur tomber dessus.

« Voilà tout ce qui me pesait sur le cœur et dont j’ai préféré vous faire part, en m’excusant d’avoir peut-être enregistré à la légère (je me fais vieux !) et mal interprété des réflexions entendues ou lues. Et évidemment je m’en voudrais de vous faire de la peine ou de couper votre bel élan (je pense qu’il en faut plus que ça pour l’arrêter). Sans avoir beaucoup de vertu, il m’arrive parfois, et c’est le cas d’aujourd’hui, d’agir pour des raisons surnaturelles, ce qui ne veut pas dire sans me tromper.

« Pour être juste, je devrais vous faire part aussi de toutes les réflexions favorables entendues. Tout le monde apprécie en particulier votre ardeur au travail, votre courage et cette si grande amabilité d’accueil qui met à l’aise et rend les contacts si faciles et si agréables. Mais je m’arrête. »


On note que Mgr Fauret, tout en conservant la charité exprimée par la délicatesse du ton, l’amitié qui unit ces deux anciens broussards, et la courtoisie déférente au rang du supérieur général, va droit au but. Il reproche à Mgr Lefebvre un gouvernement trop personnel et un manque d’écoute de ses confrères. Mais peut-être est-ce le propre des grands personnages de savoir avant tout se mettre à l’écoute de Dieu sans tergiverser, à l’instar de tant d’hommes du XXe siècle qui ne juraient que par la participation, la fraternité et l’esprit d’assemblée ?





[1] Jean-Jacques Marziac, Monseigneur Lefebvre, soleil levant ou couchant ?, N.E.L., 1979.
[2] Archives de la Congrégation du Saint-Esprit – Fonds Lefebvre – 81 . 1a1. Publié dans Philippe Béguerie, Vers Écône. Mgr Lefebvre et les Pères du Saint-Esprit, Desclée de Brouwer, 2010, pp. 213-214.

mardi 8 janvier 2013

Le cardinal Oddi à Écône : « Merci Monseigneur ! »


Bien méconnue est la figure du cardinal Oddi qui a si généreusement accueilli Mgr Lefebvre à chaque fois qu’il s’est rendu à Rome. Ce dernier trouvait en lui une oreille attentive qui souhaitait ardemment que le différend entre Rome et Écône soit avantageusement résolu. Quand il fallait intercéder auprès du pape en faveur du fondateur de la Fraternité Saint-Pie X, le cardinal Silvio Oddi était là. Il n’a pas ménagé sa peine, notamment lorsqu’il a fallu nommer un visiteur apostolique pour inspecter les lieux de la Fraternité Saint-Pie X, peu avant les sacres.


Bien sûr, certains pourront objecter qu’il ne s’est pas « rallié » à Écône, qu’il n’a pas publiquement vanté les mérites de la Fraternité Saint-Pie X et qu’ainsi il aurait éventuellement failli à sa mission. Ce faisant, ces objecteurs risquent fort de reprocher à cet homme de ne pas avoir bénéficié des grâces qu’ils ont eux-mêmes reçues sans mérite de leur part. Qu’auraient fait ces derniers s’ils avaient été ce cardinal italien, ancien nonce en Belgique que Jean-Paul II nomma chef de dicastère peu après son élection ?


Né dans la campagne de Plaisance en 1910, légat apostolique au Moyen Orient sous le pape Pie XII, internonce en Égypte, Silvio Oddi fut nommé par Jean XXIII nonce apostolique en Belgique où il a vu une part de la Chrétienté s’effondrer devant ses yeux. Quinze ans plus tard, le 28 septembre 1979, le pape Jean-Paul II le nommait préfet de la Congrégation pour le Clergé.


Dans ses entretiens avec Mgr Lefebvre, il ne mâchait pas ses mots, lui assurait que la définition du nouvel ordo était hérétique. Et lorsque le prélat d’Écône lui envoya une lettre solennelle, ainsi qu’à quelques autres princes de l’Église, afin qu’il se manifeste devant la tragédie qui allait s’opérer à Assise le 27 octobre 1986, il n’a pas craint de se lever en séance pour reprocher au pape d’aller explicitement à l’encontre de l’encyclique Mortalium Animos qui proscrivait les congrès visant à réunir pour la paix des dirigeants de religions diverses qui construisaient un pacifisme à l’écart de Jésus Christ.


Après la disparition de Mgr Lefebvre, le cardinal Oddi aurait pu se terrer dans le silence et la tristesse. Il a néanmoins tenu à se rendre à Écône. Au mois d’août 1991, il a téléphoné au séminaire pour dire qu’il se trouverait en Valais le mois suivant. Et le 18 septembre, conduit par son neveu, il est arrivé sur les lieux. Accueilli par le directeur, l’abbé Michel Simoulin, il a partagé en silence le repas des séminaristes et a pris le café avec les prêtres présents. Il n’a pas caché sa joie d’être au sein de la maison fondée par Mgr Lefebvre ni ses sentiments à l’égard de la sainteté de ce personnage de l’Église. Il a confirmé qu’à ses yeux la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX) était unie à l’Église romaine et a dit souhaiter ardemment qu’un accord soit conclu entre Rome et la Fraternité pour le bien de cette dernière, tout en précisant bien que son déplacement était le fait de sa propre initiative.


Au cours de la conversation, les prêtres lui ont demandé si, d’après lui, Rome aurait consenti à accorder l'évêque promis au cas où l'accord aurait été maintenu. Pour toute réponse, il a fait ce signe très italien : se frotter le menton avec le dos des doigts, ce qui signifie : niente !  (Jamais de la vie !). En même temps, il reconnaissait que le poids des évêques consacrés permettait désormais à la FSSPX d’obtenir une structure semblable à celle de l’Opus Dei.


Ensuite, le cardinal a demandé au directeur de pouvoir se recueillir sur la tombe de Mgr Lefebvre. Seul avec le directeur, il a remonté la pente qui conduit au caveau où repose le corps de l’archevêque. Le prince de l’Église s’est recueilli en silence pendant quelques instants devant cette plaque sur laquelle est inscrit le nom du prélat et cette phrase qu’il a voulu : Tradidi quod et accepi. Le cardinal Oddi a conclu par un simple cri : « Merci Monseigneur ! ».


« Nous étions seuls, mais je l’entends encore » affirme l’abbé Simoulin.


Ajoutons que le cardinal Oddi a travaillé à la Curie aux côtés du pape Jean XXIII. « Quand je lui ai demandé lors d'une audience, a-t-il rapporté,  pourquoi en 1960, lorsque l'obligation de garder le secret était venue à sa fin, il n'avait pas rendu publique la dernière partie du message de Fatima, il a répondu avec un soupir las. Il a alors dit: "Ne me remettez pas ce sujet, s'il vous plaît ... » Après avoir interrogé en 1982 sœur Lucie, le cardinal s’est autorisé à affirmer dans ses mémoires, en 1995 : « le Troisième Secret, que Jean XXIII et ses successeurs pensèrent inopportun de révéler, ne concernait pas une conversion supposée de la Russie, encore loin de devenir une réalité, mais concernait la « révolution » dans l'Eglise (Vatican II). À partir de ce concile, de nombreuses innovations sont nées qui semblent constituer une véritable révolution interne. »

Côme de Prévigny



dimanche 6 janvier 2013

Mgr Lefebvre au Chili

En 1977, Mgr Lefebvre a fait une grande tournée en Amérique du Sud. Il est notamment passé par Santiago du Chili.