dimanche 29 décembre 2013

Mgr Lefebvre : Ni hérétiques, ni schismatiques, nous gardons et le pape et la messe

Faut-il opposer le pape et la messe ? Penser que si nous gardons la messe traditionnelle, nous devons nécessairement nous éloigner du vicaire du Christ ? Ou, a contrario, parce que nous voudrions obéir au pape, il faudrait délaisser la messe traditionnelle et le catéchisme traditionnel ? Face aux mauvaises sirènes provenant de l’aile progressiste ou de l’aile sédévacantiste, Mgr Lefebvre répond résolument : nous gardons notre double attachement. Nous ne sacrifierons ni le Saint Sacrifice de la messe, ni l’attachement à la personne du pape, quand bien même ce dernier se distancerait de l’enseignement de ses prédécesseurs :

« Vous le savez, il y a des tendances, même chez les traditionalistes ; malheureusement, il y en a qui disent : « il n’y a pas de pape, ce n’est pas possible, un pape qui est œcuménique ce n’est plus un pape. » Pour moi, je ne suis pas d’accord avec cette position-là, j’estime que le pape fait erreur ; ce sont ses prédécesseurs qui le disent, c’est le pape Pie IX, c’est le pape Pie X, ce n’est pas moi, je ne fais que comparer les textes et les doctrines, c’est tout, je ne juge pas le pape, c’est la tradition qui juge. […]

« Quelques prêtres nous ont quitté en disant : nous ne sommes pas avec vous, pour nous, il n’y a
plus de pape. » Dans ces cas-là on en arrive au schisme, n’ayant plus aucune autorité, parce que l’autorité n’est pas bonne. C’est le cas du père de famille qui se conduit mal, s’il demande des choses qui ne sont pas convenables à ses enfants, ce n’est pas pour cela qu’il n’est plus le père de famille, qu’il n’existe plus. C’est la même chose dans notre cas, ce n’est pas parce que le pape favorise l’hérésie involontairement – probablement – je n’ai pas à le juger, mais les faits sont là – qu’il n’est plus pape.

« Depuis le dernier pape, la situation de l’Église est catastrophique, tout le monde le voit, le sait, les papes eux-mêmes s’en rendent compte. Paul VI disait déjà : nous pensions que le Concile allait être l’occasion d’un plus grand développement de l’Église. Nous sommes obligés de constater que la fumée du diable, de Satan est dans l’Église, qu’au contraire cela va être un désastre.

« C’est pourquoi quelques-uns nous ont quitté et d’autres, on les comprend un peu, sont fatigués de ce combat. Être toujours loin des autorités ecclésiastiques, mal vus de partout, chassés par les évêques, il n’est plus possible de continuer de la sorte. Ils ont rejoint les progressistes, disent la nouvelle messe, ont enlevé la soutane. Pour ma part, je dis non. Nous, nous tenons le pape et nous tenons la messe, les deux.

« Certains me disent : « Mais non, lâchez le pape, il n’est plus pape. » Je réponds : « Si, je tiens le pape ». Les autres me disent : « Mais lâchez la messe puisque le pape le veut » « – Non, je ne lâche pas la messe non plus ». Pourquoi ? Parce que je suis sûr que, fondamentalement, le pape et la messe vont ensemble. »


Mgr Marcel Lefebvre, Conférence, Nantes, 5 février 1983

mardi 24 décembre 2013

Mgr Lefebvre : la sève de la Tradition est encore pleine de vie et d'espoir !

Il y a 35 ans, en la vigile de Noël, Mgr Lefebvre écrivait ces quelques mots au pape Jean-Paul II. A l’heure où les Franciscains de l’Immaculée sont persécutés pour leur attachement à la messe traditionnelle, cet appel au pape revêt un écho particulier. Le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X montre d’abord que la nécessité de résister au désastre qui s’empare de l’Église est une nécessité, que la solution à cet état de fait se trouve entre les mains du vicaire du Christ et, enfin, que la Tradition, avec le catéchisme et la liturgie, n’attend qu’une chose, c’est qu’elle soit encouragée pour revivifier le tissu catholique.
  
« Très Saint Père,
« Comment douter que l'audience que vous m'avez accordée n'ait été voulue de Dieu. Ce fut pour moi une grande consolation de pouvoir en toute franchise exposer les circonstances et les motifs de l'existence de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie-X, de ses séminaires, et les raisons qui m'ont amené à continuer l'Œuvre, malgré les décisions venues de Fribourg et de Rome.
« Le flot des nouveautés dans l'Eglise accepté et encouragé par l'épiscopat, flot ravageant tout sur son passage: la foi, la morale, les institutions de l'Eglise, ne pouvait pas admettre la présence d'un obstacle, d'une résistance.
« Nous avions donc le choix ou de nous laisser emporter par le courant dévastateur et d'accroître le désastre, ou de résister contre vents et marées pour sauvegarder notre foi catholique et le sacerdoce catholique. Nous ne pouvions pas hésiter.
« Depuis le 5 mai 1975, date de notre décision de tenir coûte que coûte, trois années et demi ont passé et nous donnent raison. Les ruines de l'Eglise s'accumulent : l'athéisme, l'immoralité, l'abandon des églises, la disparition des vocations religieuses et sacerdotales sont tels que les évêques commencent à s'émouvoir et que le fait d'Écône est constamment évoqué. Les sondages d'opinion manifestent qu'une grande partie des fidèles, parfois une majorité, sont en faveur de l'attitude d'Écône.
« Il est évident pour tout observateur impartial que notre Oeuvre est une pépinière de prêtres comme l'Eglise les a toujours souhaités et comme les vrais fidèles les désirent. Et on est en droit de penser que si Rome voulait bien admettre le fait et lui donner la légalité à laquelle il a droit, les vocations seraient encore beaucoup plus abondantes.

« Très Saint Père, pour l'honneur de Jésus-Christ, pour le bien de l'Eglise, pour le salut des âmes, nous vous conjurons de dire un seul mot, une seule parole, comme Successeur de Pierre, comme Pasteur de l'Eglise universelle, aux Evêques du monde entier : « Laissez faire » ; « Nous autorisons le libre exercice de ce que la Tradition multiséculaire a utilisé pour la sanctification des âmes. »
« Quelle difficulté présente une pareille attitude ? aucune. Les Evêques décideraient des lieux, des heures réservées à cette Tradition. L'unité se retrouverait immédiatement au niveau de l'Evêque du lieu. Par contre que d'avantages pour l'Eglise: le renouveau des Séminaires, des monastères; une grande ferveur dans les paroisses. Les Evêques seraient stupéfaits de retrouver en quelques années un élan de dévotion et de sanctification qu'ils croyaient disparu à tout jamais.
« Pour Ecône, ses séminaires, ses prieurés, tout se normaliserait comme pour les Congrégations de Lazaristes, Rédemptoristes... Les prieurés rendraient service aux diocèses par des prédications de Missions paroissiales, Retraites selon saint lgnace, et services des paroisses, en pleine soumission aux Ordinaires des lieux.

« Combien la situation de l'Eglise serait améliorée par ce moyen très simple et si conforme à l'esprit maternel de l'Eglise, ne refusant pas ce qui vient au secours des âmes, n'éteignant pas la mèche qui fume encore, se réjouissant de constater que la sève de la Tradition est encore pleine de vie et d'espoir !
« Voilà ce que j'ai cru devoir écrire à Votre Sainteté, avant de me rendre auprès de S.E. le Cardinal Seper. Je crains que des discussions prolongées et subtiles n'aboutissent pas à un résultat satisfaisant et fassent traîner une solution qui, j'en suis persuadé, doit vous apparaître urgente.
« La solution ne peut, en effet, se trouver dans un compromis qui pratiquement ferait disparaître notre Œuvre, ajoutant à la destruction une contribution de plus.
« Demeurant à l'entière disposition de Votre Sainteté, je La prie d'agréer mon profond et filial respect en Jésus et Marie. »
Mgr Marcel Lefebvre, Lettre au pape Jean-Paul II, 24 décembre 1978

dimanche 15 décembre 2013

Mgr Lefebvre : Nous n’avons pas le droit d’abandonner les autorités de l’Église

Nous avions précédemment exposé la fausse idée se répandant parmi quelques esprits, laquelle estime que les autorités ecclésiastiques seraient les membres d’une nouvelle Église dite conciliaire et non ceux de l’Église catholique. Il faudrait également évoquer une pensée tout aussi dangereuse qui, sans pour autant embrasser le sédévacantisme, consiste de manière désabusée à refuser tout contact avec les autorités de l’Église. Loin de sombrer dans la peur, mais toujours animé par l’esprit d’apostolat qui fait le missionnaire, Mgr Lefebvre, à l’occasion d’un sermon qu’il dispense à Lyon à l’été 1982, exhorte au contraire les fidèles à ne jamais abandonner les autorités, pas même les évêques. Tout mauvais pasteurs qu’ils peuvent être, ils demeurent ceux que Dieu a confiés à l’Église catholique et romaine. Ce sont pourtant ceux qui ont poussé à la condamnation de la Fraternité. Le désespoir ou l’animosité ne sont pas pour autant des réponses valables pour un catholique :

« Nous sommes persuadés qu’un jour viendra (quand ? Dieu seul le sait) où l’Église nous encouragera et nous félicitera d’avoir maintenu cette Tradition. C’est pour cela que je me rends à Rome mardi. Après de nombreuses et nombreuses démarches, celle-ci aboutira-t-elle plus que les autres ? Je n’en sais rien. Mais je le fais par devoir de conscience pour que lorsque le Bon Dieu me rappellera, il ne puisse pas me dire n’avoir rien fait pour rétablir la Tradition. J’aurai tout fait pour la rétablir. Si le Bon Dieu veut que nous soyons encore d’une certaine manière abandonnés par ceux qui devraient être nos pères, eh bien, ce sera la grande épreuve de l’Église… Mais nous n’avons pas le droit de nous décourager et de dire : « puisqu’il n’y a pas moyen d’être entendus, abandonnons les évêques, il n’y a plus d’Église, c’est fini. » Non l’Église est toujours debout et si ceux qui sont chargés de la conduire ne font pas leur devoir, ce sont de mauvais pasteurs, ce n’est pas pour cela que nous devons les abandonner. Nous devons avoir confiance dans la Providence. Le Bon Dieu soutient Son Église, nous n’avons pas le droit d’abandonner cette Église catholique et romaine. En faisant tout ce qui est notre devoir, demeurons dans la paix. »

Mgr Marcel Lefebvre, chapelle Saint-Irénée à Lyon, sermon du 18 juillet 1982

samedi 7 décembre 2013

Mgr Lefebvre : « Mon attachement sans réserve au Saint-Siège et au vicaire du Christ »

Ces derniers mois, une erreur s’est propagée dans quelques esprits, laquelle consiste à faire croire que les papes postérieurs à Vatican II seraient les pasteurs non pas de l’Église catholique mais d’une nouvelle entité indépendante, appelée « Église conciliaire ». Les diffuseurs de cette théorie hétérodoxe n’hésitent pas à recourir aux propos de Mgr Marcel Lefebvre pour asseoir leur exposé. Dans une conférence dispensée en 1975, plusieurs semaines après la suppression abusive de la Fraternité Saint-Pie X, son fondateur parle effectivement d’une « nouvelle Église » :

« Il y a certainement eu une rupture à partir de Vatican II. C’est l’esprit nouveau, une réforme, une nouvelle Église, une Église libérale, une Église réformée, semblable à l’Église réformée de Luther, en définitive, qui s’est introduite dans l’Église catholique. Ce n’est plus l’Église catholique. »

En lisant ces quatre lignes détachées du reste de la conférence, on pourrait presque s’interroger. Ce qui est cependant problématique pour la thèse qui consiste à faire croire que le pape serait le chef d’une Église conciliaire indépendante, c’est que Mgr Lefebvre affirme explicitement que cette « nouvelle Église » est comme une mouvance qui s’est introduite à l’intérieur de l’Église catholique et non une entité séparée et indépendante. D’ailleurs dans la même conférence, à quelques secondes d’écart, l’archevêque cite une lettre qu’il vient d’écrire au Souverain Pontife. Il ne s’agit pas à l’époque de Benoît XVI, mais bien de Paul VI, ce pape qui a signé le décret sur la liberté religieuse, qui a promulgué la nouvelle messe, ce pontife qui a fait supprimer canoniquement l'œuvre de la Fraternité. Or, c’est à propos de ce pape, dans la même conférence, que Mgr Lefebvre exprime ces mots, dénués de toute vengeance et empreints d’une immense déférence :

« Je voudrais vous lire la réponse que j’ai faite au Saint-Père pour que vous soyez au courant de ce que j’ai écrit ces jours derniers aux deux lettres que le Saint-Père m’a adressées. Je croyais bien de répondre au Saint Père publiquement, mais je ne l’ai pas fait parce que j’avoue que j’éprouvais de la gêne à faire une réponse publique au Saint-Père, c’était donner un peu l’impression que je me mettais sur le même pied que lui. Or cela me répugne, j’ai trop de respect de la fonction du successeur de Pierre pour donner l’impression publique que je suis sur le même pied que le pape, donc je n’ai pas voulu faire cette lettre publique. C’est ce que j’ai dit d’ailleurs au Saint-Père dans les premières lignes. « Très Saint-Père, si ma réponse à la lettre de votre Sainteté est tardive c’est qu’il me répugnait de faire un acte publique qui aurait pu faire penser que j’avais la prétention de traiter d’égal à égal vis à vis des successeurs de Pierre. Je m’empresse, sur les conseils de la nonciature d’écrire quelques lignes à votre Sainteté pour lui exprimer mon attachement sans réserve au Saint-Siège et au vicaire du Christ. Je regrette sincèrement qu’on ait pu mettre en doute mes sentiments à cet égard et que certaines de mes expressions aient été mal interprétées. C’est à son Vicaire que Jésus-Christ a confié la charge de confirmer ses frères dans la foi et qu’il demande de veiller à ce que chaque évêque garde fidèlement le dépôt selon les paroles de saint Paul à Timothée. Cette conviction qui me guide, et qui m’a toujours guidé, dans ma vie sacerdotale et apostolique, c’est cette foi que je m’efforce d’inoculer, avec le secours de Dieu, dans la jeunesse qui se prépare au sacerdoce, cette foi est l’âme du catholicisme affirmé par les évangiles : « Sur cette pierre je fonderai mon Eglise ».


Mgr Lefebvre exprime-là un immense respect du Saint-Siège et du vicaire du Christ qui n’a rien à voir avec l’état d’esprit des propagateurs de la nouvelle théorie qui appellent plutôt à condamner de manière systématique et avec des mots d'une rare virulence le successeur de Pierre comme un paria et à lui dénier toute parole heureuse. Si le fondateur de la FSSPX parle dans cette même conférence de « nouvelle Église », c’est uniquement pour parler de la tendance conciliaire qui est comme un corps étranger qui est inoculé dans l’esprit de certains hommes d’Église. En aucune manière, et la romanité de l’archevêque est là pour l’exprimer, cela ne peut remettre en cause la réalité selon laquelle le pape est le pasteur de l’Église universelle. Paul VI avait absout les schismatiques, encouragé les hérétiques, dévasté la liturgie. Malgré ces épouvantables conditions et au cœur même de la tourmente, Mgr Lefebvre manifeste en vrai catholique une romanité sans faille. Il ne se laisse pas gagner par l'aigreur. Il exprime cette foi, qui, bien qu'éprouvée dans les temps actuels, est selon ses termes « l’âme du catholicisme ».

vendredi 29 novembre 2013

Il y a 108 ans naissait Mgr Marcel Lefebvre

Le 29 novembre 1905, rue Leverrier à Tourcoing, naissait Marcel Lefebvre, fils de René Lefebvre, filateur, et de Gabrielle Watine. Sa sœur Christiane confia au Père Marziac les souvenirs qu'elle avait retenu de leur mère.
Marcel Lefebvre et sa sœur Bernadette

« Oserais-je parler sans trembler des "intuitions" de Madame Lefebvre quand elle mettait au monde un enfant ? Elle ne les embrassait jamais avant qu'ils ne soient revenus de l'église après le baptême. Louise, la servante, lui portait le bébé qu'elle embrassait et elle exprimait alors sa pensée.
« Pour le premier, René, né le 22 janvier 1903, elle désirait un prêtre et tandis qu'elle le portait, elle promit de communier tous les jours. Ce petit René, à l'âge de cinq ans écrivit une lettre au pape Pie X qui venait de promulguer une encyclique sur la communion des enfants. Il reçut un télégramme de Sa Sainteté, l'autorisant à communier. Il devint prêtre et fut missionnaire au Gabon pendant près de quarante ans.
« Pour la seconde, Jeanne, elle éprouva dès le début de la grossesse le besoin de réparation pour les péchés du monde par la prière. La fille qui naquit devint religieuse Réparatrice.
« Pendant qu'elle portait le troisième, Marcel, fortifiée de la lecture qu'elle faisait de la vie de sainte Monique, elle faisait l'édification de tous par sa patience et sa douceur, qu'elle puisait dans la prière et l'assistance quotidienne à la Messe. Après le baptême de Marcel, en l'embrassant le bébé pour la première fois, Madame Lefebvre s'exprima ainsi : "Celui-ci aura un grand rôle à jouer dans la Sainte Eglise, à Rome, auprès du Saint-Père". C'était un 29 novembre 1905 !
« Le quatrième enfant fut Bernadette. Pendant la grossesse, la maman éprouva le besoin de faire ses oraisons sur l'agonie de Notre Seigneur. Embrassant l'enfant après le baptême, elle dit : "Elle sera un signe de contradiction". Ce fut bien ce qui arriva, puisque pendant toute sa vie de religieuse elle eut à lutter, à l'image de son frère évêque (elle appartenait à la même congrégation que lui) contre l'autodéstruction de l'Eglise - que ce soit au Gabon, à Rome, ou bien à Saint-Michel-en-Brenne où elle dirige actuellement les religieuses de la Fraternité Saint-Pie X.
« Pendant la grossesse du cinquième enfant, elle lut la vie de sainte Thérèse d'Avila, réformatrice du Carmel. A la naissance de Christiane, en 1908, elle prédit qu'elle deviendrait carmélite. Celle-ci est aujourd'hui la Mère prieure du carmel de Quiévrain en Belgique, fondée le jour de la fête de sainte Thérèse le 15 octobre 1978. »
Père Jean-Jacques Marziac, Monseigneur Marcel Lefebvre, soleil levant ou couchant ?, Paris, N.E.L., 1979, pp. 55-56. 


lundi 25 novembre 2013

Mgr Lefebvre et la crise sédévacantiste de 1983

Mgr Lefebvre entouré des abbés Sanborn et Cekada
Tous deux quittent la FSSPX en 1983
En 1983, une très grave crise touche la Fraternité Saint-Pie X. Les plus anciens membres américains de la Fraternité, y compris le supérieur du district et le directeur du séminaire, s’insurgent contre le fondateur. Ils lui font des reproches en matière de doctrine et de liturgie, mais surtout sur sa position à l’égard du pape. Pour eux, le Souverain Pontife, successeur de Pierre, n’a pas plus d’autorité que le mécréant de la rue et aucune considération ne lui est due. Reconnaissant la trop grande indulgence observée jusque là, Mgr Lefebvre agit avec fermeté : Il perd un district entier, des dizaines de séminaristes et des centaines de fidèles. Il refuse énergiquement l’esprit schismatique promu par ces derniers et appelle ses prêtres à la loyauté. Il en va de la catholicité de la Fraternité Saint-Pie X.

« Beaucoup de nos confrères aux États-Unis avaient cet esprit, cet esprit sédévacantiste et je leur ai même fait signer une lettre, il y a de cela trois ou quatre ans. Je leur ai fait signer un engagement comme quoi ils ne parleraient plus ouvertement, de manière publique, contre le pape, d’une manière continuelle, pour dire qu’il n’y avait pas de pape, que ce pape est hérétique, et puis qu’ils donneraient la solution aux gens qui demandent :« Est-ce qu’il y a un pape ou est-ce qu’il n’y a pas de pape ? » ils accepteraient de donner la solution que donne la Fraternité. Alors ils ont réfléchi pendant une nuit pour savoir s’ils acceptaient ou s’ils n’acceptaient pas. Alors je leur ai dit : « Si vous n’acceptez pas, demain vous n’êtes plus dans la Fraternité ! Vous êtes hors de la Fraternité ! J’en ai assez des réclamations des fidèles, tous les fidèles me réclamant, m’envoyant des lettres : “Est-ce que c’est la position de la Fraternité qui dit qu’il n’y a pas de pape, qu’il n’y a plus de sacrements ? ”Alors que ce n’est pas notre position, qu’elle était prêchée par ces confrères. J’ai dit : J’en ai assez. “C’est fini, je veux que ça cesse ! ” Alors le lendemain ils ont signé le papier. Ils s’y sont tenus plus ou moins, du moins apparemment, mais dans le privé leur position était toujours la même, leurs sentiments étaient toujours les mêmes. Ils n’ont pas changé de sentiments. Non seulement ils n’ont pas changé de sentiments, mais au séminaire – je l’ai appris ces derniers temps –l’abbé Sanborn, directeur du séminaire, à qui je confie mes séminaristes qui sont des séminaristes qui viennent vers la Fraternité, qui ont confiance en moi, qui viennent dans notre séminaire de la Fraternité, je les confie à l’abbé Sanborn qui fait des conférences contre la liturgie qu’on fait à Ecône, pour prouver que la liturgie qu’on fait à Ecône est mauvaise ! Écoutez, alors, cela ne va plus comme cela ! J’ai été un peu tolérant, j’ai toléré un peu et je m’aperçois qu’au fond j’ai eu tort de tolérer […].
« J’ai dit : « Écoutez, je regrette beaucoup – on n’a pas eu d’éclats de voix, on ne s’est pas disputés, ça s’est passé très calmement – écoutez, moi, c’est fini ! Il y a dix ans que ça dure cette affaire-là. Je vous ai suivis, je vous connais, j’ai parlé avec vous, je vois bien que chaque fois que je venais, l’atmosphère était toujours désagréable. On sentait toujours une opposition, une dureté et une méfiance de leur part vis-à-vis de moi et vis-à-vis de la Fraternité. Ce n’était pas à l’aise du tout, toujours travaillé en arrière, un travail qui se fait en arrière, qui n’est pas conforme à l’esprit de la Fraternité. J’ai dit : « Il y a dix ans que ça dure, ça ne peut plus durer. Et maintenant vous mettez le comble à la chose avec la désobéissance à laquelle vous poussez les deux jeunes prêtres. Et maintenant, avec cette exigence, vous devenez les patrons en Amérique et puis vous exigez de nous que nous fassions ceci, que nous fassions cela. J’ai dit : - Non, c’est fini ! Je préfère tout perdre aux Etats-Unis, s’il le faut, tout l’apostolat, tout perdre et recommencer à zéro plutôt que de me trouver devant une situation comme celle-là ! Ce n’est pas possible, absolument impossible ! Faites ce que vous voudrez, mais pour nous, c’est fini, terminé ! On ne peut plus ! » […]
« Je ne veux pas être schismatique. Or ils sont pratiquement schismatiques puisqu’ils ne reconnaissent pas le pape et ne prient pas pour le pape, qu’il n’y a aucun sacrement qui soit valide, pratiquement, et ils ne veulent pas reconnaître la liturgie de Jean XXIII qui est la liturgie tridentine. Alors ils font qu’ils disent aussi que le Pape Jean XXIII n’était pas pape. Alors où est-ce qu’on va ? Alors Pie XII, puisqu’ils n’acceptent pas non plus la liturgie de Pie XII pour la Semaine Sainte, donc Pie XII n’est pas pape non plus ? Alors où est-ce qu’on va avec tout cela ? Il n’y a plus moyen, c’est de la folie, on ne raisonne plus… Alors c’est vraiment le schisme.
« Moi, je ne veux pas, d’une part, qu’ils entraînent tous les fidèles dans le schisme, en mon nom, au nom de la Fraternité, au nom de Monseigneur Lefebvre. Ça je ne peux pas accepter une affaire pareille. Je ne veux pas que les gens deviennent hérétiques, mais je ne veux pas non plus qu’ils deviennent schismatiques. On veut rester dans l’Eglise catholique. Et les gens le comprennent très bien. Si on avait là-bas dix prêtres pour remettre tout de suite là-bas en place, tous les gens voudraient rester avec nous, la plupart, 90%… Les gens saisissent très bien ces choses-là. Ils ne veulent pas devenir schismatiques non plus. Ils ne veulent pas se séparer du pape. Ils ne veulent pas dire qu’il n’y a pas de pape. Ils veulent bien que l’on ne soit pas d’accord avec le pape, comme nous le sommes, mais ils ne veulent pas qu’il n’y ait pas de pape. Ils n’acceptent pas cela.
« Et alors pour cela, déjà maintenant, plusieurs groupes demandent à l’abbé Williamson et à l’abbé Petit de venir les évangéliser, enfin s’occuper d’eux. Évidemment il faudrait qu’ils soient plus nombreux. Mais c’est triste, parce que tous ces prêtres, je ne dis pas que ce sont des mauvais prêtres, mais ils se sont fourvoyés dans une espèce de pharisaïsme, une espèce de dureté, d’ailleurs de caractère, de tempérament. Les fidèles étaient vraiment dans la terreur, un peu menés à la baguette. Alors cela crée un climat qui n’est pas évangélique, pas chrétien. Ce n’est pas catholique, ce n’est pas l’esprit de l’Evangile, tout cela ! Alors les fidèles sont un peu soulagés, ceux qui viennent se sentent comme soulagés. Au séminaire maintenant il y a un esprit excellent, tranquille, calme. Le séminaire marche bien. Ils sont dans un soulagement, ils se sentaient oppressés par cette manière raide d’être menés. Tout cela est contraire au bon sens et à la foi, l’esprit de foi. Alors ce sont des moments difficiles. On dirait que le Bon Dieu veut tous les trois ans nous donner une épreuve pour nous sanctifier et puis, en même temps, pour bien remettre dans la bonne direction la Fraternité. Que nous demeurions dans la bonne direction ! Alors je vous demande de méditer sur ces choses-là, et d’être loyaux, d’être loyaux dans vos pensées, vous avez tout de même une conscience. »
Mgr Marcel Lefebvre, conférence aux séminaristes, 20 mai 1983

samedi 16 novembre 2013

Mgr Marcel Lefebvre : A l’intérieur, la mer ne bouge pas

Les témoins de la cérémonie des sacres de 1988 ont témoigné du fait que le fondateur de la FSSPX avait débuté de manière très sereine la fameuse journée du 30 juin. Toute sa vie a consisté à ne pas trop s’émouvoir des événements qu’il vivait, ni des pressions qu’il subissait. Des avanies, des défections, des humiliations, il en a connu. Il ne s’en est pas tourmenté. Bien des évêques, autour de lui, ont flanché et ont abandonné. Les esprits peuvent s’agiter et même se passionner. Qu’importe. Mgr Lefebvre invite à toujours rester debout et à persévérer dans le calme et la détermination.

« Il ne faut pas que nous ayons une instabilité constante dans notre vie spirituelle. C’est anormal. Un chrétien, un vrai chrétien, un chrétien qui a la foi ne devrait pas être instable dans sa vie spirituelle, ne devrait pas être un jour dans l’euphorie, le lendemain dans le découragement, dans l’inquiétude, dans l’angoisse, dans la tristesse, et puis tout à coup dans la joie. Ce n’est pas une vie chrétienne normale.

« Une vie chrétienne normale, qui est vraiment fondée en Notre Seigneur Jésus-Christ, en sa divinité, dans toutes les vertus que Notre Seigneur Jésus-Christ nous enseigne, devrait être une vie stable, une vie profonde, pour laquelle, je dirais, les événement qui pourraient éventuellement secouer un peu sa vie spirituelle et sa vie surnaturelle, ne sont que des événements de surface comme les vagues de la mer. La mer ne bouge pas à l’intérieur. Les sous-marins qui sont à l’intérieur de l’eau sont toujours dans la tranquillité. Il n’y a pas de vagues là-dessous. Mais évidemment, au fur et à mesure que l’on remonte à la surface, on commence à sentir les vagues, même la tempête éventuellement. Et bien, ça ne devrait pas changer notre intérieur. Même si il y a quelques vagues de surface, même si il y a quelques événements de surface, ça devrait rester stable.

« Et ça, c’est une chose, malheureusement, qui existe même encore aujourd’hui. Quelquefois j’ai un peu de peine de sentir que même parmi ceux qui sont passés par ici, il y en a quelques-uns qui sont comme ça un peu secoués profondément et qui seraient tentés quelquefois de se laisser aller à des décisions qui sont anormales. […] On doit s’attacher à Notre Seigneur de toute son âme et, par conséquent se détacher des autres choses, ne pas être attachés à sa famille, aux siens, à sa patrie, à tout ce qui est secondaire par rapport à Notre Seigneur Jésus-Christ, même si on nous demande de quitter notre patrie pour aller évangéliser une autre nation. C’est toujours Notre Seigneur, c’est toujours l’Évangile, c’est toujours le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ. Le fait de changer de région, le fait de changer d’espaces, qu’est-ce que ça peut faire ? Au contraire.


« Peut-être justement qu’une foi profonde dans la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ nous met nécessairement dans l’humilité. C’est la première conséquence de l’adoration de Notre Seigneur Jésus-Christ. C’est pour cela que notre Sainte Messe est si belle, parce qu’elle constamment une manifestation de l’adoration de Notre Seigneur Jésus-Christ. »

Mgr Marcel Lefebvre, conférence du 8 juin 1978

samedi 9 novembre 2013

Mgr Lefebvre : Même dans la crise, « douceur, bonté, patience, longanimité ! »

Comme Mgr Lefebvre aurait pu se révolter ou se décourager devant les événements sous prétexte qu’ils étaient pires que ceux de la veille ! Tant de ses confrères évêques ou prêtres ne sont-ils pas usé par les défaites et les revers ? Relégué maintes fois par les prélats de son époque, traîné dans la boue par les médias en tous genres, il a dû faire face aux calomnies comme aux scandales les plus grands dans l’Église. Pourtant, c’est toujours la joie chrétienne qui a rayonné en lui. Nulle rage, nulle aigreur, nul découragement. Lorsqu’il prêchait la vérité, c’est une bonté sans borne pour l’âme de ses interlocuteurs qui animait constamment sa fermeté dans la doctrine.

Le 18 mai 1986, en la fête de la Pentecôte, il donnait ce conseil à ceux qui lui faisaient confiance : Gardez, même dans les épreuves, la douceur, la bonté, la patience et la longanimité. Pourtant, un mois auparavant, le pape avait pénétré dans une synagogue. Quatre mois auparavant, c’est dans la stupeur que le monde catholique avait accueilli l’annonce de la journée interreligieuse de la paix qui devait se dérouler en octobre à Assise. Le fondateur de la Fraternité avait tout motif de sombrer dans une dénonciation sans limite, voire dans un discours rageur et aigre. Aujourd’hui, par excès ou par usure, nous pourrions être exposés aux mêmes écueils.

Sans doute le secret de cette figure qui traverse toute la crise avec une extraordinaire abnégation réside-t-il dans cette charité qui l’a jadis fait évangéliser l’Afrique puis sillonner le monde. Jusqu’à son dernier souffle, il ne s’est jamais affranchi de sa devise épiscopale : Et nos credidimus caritati.

« Quels seront les fruits du Saint-Esprit au cours de cette vie terrestre, dans ces contacts avec les événements quotidiens, avec les difficultés, les épreuves, les doutes, les hésitations, les angoisses ? Saint Paul énumère la patience, la bénignité, la bonté, la longanimité. Voilà les fruits qui relèvent en définitive de l’espérance. Les Apôtres ont désormais les yeux fixés sur le Ciel, les yeux fixés sur Dieu, sur le bonheur éternel qu’ils attendent avec un espoir profond. In te Dómine, sperávi, non confúndar in ætérnum (Ps 70, 1). « En vous, mon Dieu, j’ai placé mon espoir, et nous ne serons pas confondus », c’est bien ce qu’ils devaient se dire. Dès lors toutes les choses de la terre leur apparaissent sous un autre jour, ils n’y sont plus attachés. Dans les difficultés, dans les souffrances, dans les angoisses, ils avaient ces dispositions de patience, de bonté, de douceur, de longanimité. N’est-ce pas ce que l’on rencontre chez les vrais chrétiens, chez les vrais catholiques ? Ce visage de douceur, de bonté, de patience, de longanimité dans les épreuves, dans les difficultés, dans les soucis quotidiens ? […]

« Examinons-nous. Avons-nous conscience d’avoir reçu les fruits du Saint-Esprit ? Avons-nous conscience d’être vraiment près de Dieu, d’avoir Dieu en nous, de connaître Dieu, de mesurer la charité de Dieu ? Rappelons-nous la magnifique épître de saint Paul que nous lisons si souvent à l’occasion de la fête du Sacré-Cœur, l’épître aux Éphésiens, dans laquelle saint Paul décrit la hauteur, la profondeur, l’immensité de la charité de Dieu (Ép 3, 18-19). Avons-nous conscience de cette charité de Dieu envers nous ? Vivons-nous vraiment près de Dieu ? Et par conséquent, est-ce que nous partageons la paix et la joie de Dieu, dès ici-bas, par la présence du Saint-Esprit en nous, par l’effusion du Saint-Esprit en nous ?

« Est-ce que nous participons aussi à tous ces fruits qui nous sont donnés, pour marcher vers notre éternité au milieu de toutes les difficultés de ce monde, au milieu de toutes les tentations de ce monde corrompu, de tous les obstacles qui se présentent à notre vie chrétienne, et de tous les attraits du péché ? Vivons-nous vraiment de ces fruits du Saint-Esprit qui sont la patience, la bonté, la douceur, la magnanimité, la longanimité ? Comme il est bon de se rappeler ces choses ! Tous les jours, peut-être, nous avons à exercer ces vertus, ou alors nous nous révoltons devant les événements qui nous entourent, et nous nous opposons à la volonté du Bon Dieu. Lorsque nous souffrons, comme nous souffrons aujourd’hui dans l’Église et par l’Église, sommes-nous dans ces dispositions de patience, de douceur, de mansuétude vis-à-vis des épreuves que le Bon Dieu permet que nous subissions, même de la part de nos frères ? »

Ecône, Sermon du 18 mai 1986

vendredi 1 novembre 2013

Mgr Lefebvre : Comment envisager une solution à la crise ?

Le 24 février 1977, on interroge Mgr Lefebvre sur l’avenir : « Comment envisager le retour à une situation normale ? » lui demande-t-on. Très prudemment, le fondateur de la FSSPX n’impose pas – il ne l’a d’ailleurs jamais fait – un cahier des charges. Il remet cela à la Providence, tout en disant de manière réaliste que la solution proviendrait du pape. En revanche, il insiste beaucoup sur la manière de se comporter en attendant. Plus les actes posés ou les propos tenus par les autorités provoquent le scandale, plus il est tentant d’assouvir des passions en vidant son sac, en recourant à des jugements emportés ou des termes excessifs. Mgr Lefebvre bannit ces mauvais moyens. Il préconise à l’inverse le respect de la hiérarchie, l’affranchissement des anathèmes ou des polémiques stériles et il invite à déployer une véritable « affection sacerdotale » auprès des prêtres extérieurs.

« Dès lors qu'il s'agit de l'avenir, nous savons qu'il appartient à Dieu et qu'il est donc difficile de faire des prévisions. Cependant constatons d'abord que l'anomalie dans l'Église n'est pas venue de nous, mais bien de ceux qui se sont efforcés d'imposer une orientation nouvelle à l'Église, orientation contraire à la Tradition et même condamnée par le Magistère de l'Église. Si nous apparaissons être dans une situation anormale, c'est parce que ceux qui ont l'autorité aujourd'hui dans l'Église brûlent ce qu'ils adoraient autrefois et adorent ce qui était brûlé autrefois. Ce sont ceux qui se sont écartés de la voie normale et traditionnelle qui auront à revenir à ce que l'Église a toujours enseigné et toujours accompli.

« Comment cela pourra-t-il se faire ? Humainement parlant il semble bien que seul le Pape, disons un Pape, pourra rétablir l'ordre détruit dans tous les domaines. Mais il est préférable de laisser ces choses à la Providence divine.

« Toutefois notre devoir est de tout faire pour garder le respect de la hiérarchie dans la mesure où ses membres en font encore partie, et de savoir faire la distinction entre l'institution divine à laquelle nous devons être très attachés et les erreurs que peuvent professer de mauvais bergers. Nous devons faire tout ce qui est possible pour les éclairer et les convertir par nos prières, notre exemple de douceur et de fermeté.

« A mesure que nos prieurés se fondent, nous aurons ce souci de nous insérer dans les diocèses par notre véritable apostolat sacerdotal soumis au successeur de Pierre, comme successeur de Pierre, non comme successeur de Luther ou de Lamennais. Nous aurons du respect et même de l'affection sacerdotale pour tous les prêtres, nous efforçant de leur rendre la vraie notion du sacerdoce et du sacrifice, de les accueillir pour des retraites, de prêcher des missions dans les paroisses comme le bienheureux de Montfort, prêchant la Croix de Jésus et le vrai Sacrifice de la Messe.

« Ainsi par la grâce de la Vérité, de la Tradition, les préjugés à notre sujet s'évanouiront, du moins de la part des esprits encore bien disposés, et notre future insertion officielle en sera grandement facilitée. Évitons les anathèmes, les injures, les quolibets, évitons les polémiques stériles, prions, sanctifions-nous, sanctifions les âmes qui viendront à nous toujours plus nombreuses, dans la mesure où elles trouvent en nous ce dont elles ont soif, la grâce d'un vrai prêtre, d'un pasteur des âmes, zélé, fort dans sa Foi, patient, miséricordieux, assoiffé du salut des âmes et de la gloire de Notre Seigneur Jésus-Christ [1]. »




[1] Mgr Lefebvre, le coup de maître de Satan, éd. Saint-Gabriel, 1977

mercredi 23 octobre 2013

Mgr Lefebvre : l’appartenance à la FSSPX exige la reconnaissance du pape

Certains milieux sédévacantistes, pouvant difficilement faire passer le fondateur de la FSSPX pour l’un des leurs, ont parfois tenté d’expliquer qu’il était toutefois tolérant à l’égard de leurs thèses et que la question qui leur tient à cœur demeurait ouverte dans son entourage. Ainsi, n’hésitèrent-ils pas à solliciter quelques interrogations que l’archevêque s’était faites. Pourtant, son attitude en la matière n’a guère varié. Il ne nous est pas permis, expliquait-il, de statuer sur ce qui relève des prérogatives des autorités de l’Église et nous devons reconnaître le successeur de Pierre, malgré les graves dérives que nous pouvons constater à Rome. Aussi, refusait-il que les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X s’affranchissent de la reconnaissance du pape. C’est en ces termes qu’il s’ouvrait de cette exigence devant les séminaristes d’Écône le 29 janvier 1980 :

« Chers amis, avant de continuer la conférence, je voudrais dire deux mots au sujet de ce que l’on pourrait appeler la situation de la Fraternité. Il y a peut-être eu parmi vous un petit peu d’émotion ces temps-ci au sujet de ceux qui ne veulent pas admettre l’attitude de la Fraternité vis-à-vis du pape et vis-à-vis de la Messe, mais plus particulièrement vis-à-vis du pape. C’est vrai que je suis peiné de voir qu’il y a quelques-uns parmi nos jeunes prêtres qui ne veulent pas garder l’attitude qu’ils ont connue ici. C’est ce que j’ai eu l’occasion de leur dire : je ne comprends pas comment vous pouvez vous séparer comme cela de l’esprit de la Fraternité, étant donné que vous savez parfaitement qu’ici, à Écône, on a toujours prié pour le Saint-Père, on a toujours considéré que le Saint-Père existait, j’en ai montré l’exemple par le fait que j’ai toujours répondu aux appels qui m’ont été faits à Rome. Par conséquent, vous rompez avec la tradition du séminaire, vous rompez avec ce qui a été fait dans la Fraternité, et vous emmenez les fidèles que la Fraternité vous a confiés dans une voie qui n’est plus celle de la Fraternité. Alors s’il y a des difficultés dans votre communauté, elles ne viennent pas de l’attitude que nous avons à Écône, elles viennent de votre attitude qui n’est pas conforme à celle d’Écône et à celle de la Fraternité.


« Il y a donc un manque de fidélité de leur part. Ils le savaient très bien lorsqu’ils ont reçu l’ordination, ils savaient parfaitement quelle était l’orientation de la Fraternité. Alors je dirais que c’est à la fois un manque de fidélité, un manque de loyauté parce qu’enfin, tout de même, ils savent qu’ils ont reçu l’ordination dans la Fraternité, de mes mains, ils m’ont promis obéissance au moment de l’ordination et je pense que, dès avant l’ordination, ils avaient déjà cette idée de ne pas prier pour le pape et de ne pas considérer le pape comme existant. Alors cela n’est vraiment pas permis, devant le Bon Dieu, de dire : nous acceptons l’ordination, mais nous ne suivrons pas les orientations de celui qui nous l’a donnée, du fondateur de la Fraternité. C’est inadmissible, c’est vraiment malheureux, c’est vraiment très pénible de considérer l’attitude de ces quelques prêtres. Heureusement ils sont peu nombreux, ce sont des exceptions, j’aurais souhaité qu’il n’y ait pas d’exception et que tous comprennent bien l’attitude que prend la Fraternité. »

vendredi 11 octobre 2013

Sanctifier les autres prêtres : un des premiers buts de la Fraternité Saint-Pie X

Le premier but de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X est la sanctification de ses prêtres. C’est ce qu’indique Mgr Marcel Lefebvre dans les statuts de l’œuvre. Avant même de parler de la crise de l’Église ou des formes d’apostolat auprès des fidèles ou auprès de la jeunesse, le fondateur aborde le deuxième but. Il s’agit de sanctifier les prêtres non membres de la FSSPX :
« Un deuxième but de la Fraternité est d’aider à la sanctification des prêtres, en leur offrant la possibilité de retraites, récollections. Les maisons de la Fraternité pourraient être le siège d’associations sacerdotales, de tiers-ordres, de périodiques ou revues destinées à la sanctification des prêtres. »
Dans une conférence dispensée le 13 mars 1981 à Écône, Mgr Lefebvre revient plus précisément sur cet aspect profondément apostolique de la Fraternité :


« Il semble qu’autour de la Fraternité veuillent se créer tout doucement des liens d’amitié, des liens étroits entre un certain nombre de prêtres qui tout doucement reviennent à la Tradition et qui pourraient éventuellement même reconstituer des associations sacerdotales unies à la Fraternité. Ce ne serait pas des membres de la Fraternité, mais ils seraient des prêtres faisant partie d’associations sacerdotales, par district par exemple, qui pourraient profiter de la spiritualité de la Fraternité, profiter même de ses retraites, profiter du calme de ses maisons pour des récollections et se retrouver ainsi en union avec la Fraternité.

« Ce n’est pas du tout que nous voulions monopoliser en quelque sorte et vouloir donner l’impression qu’il n’y a que la Fraternité et qu’en dehors de la Fraternité il n’y a rien, au contraire ! Mais c’est dans le but de la Fraternité, vous pouvez le voir dans ses statuts, que la Fraternité doit s’efforcer de soutenir la spiritualité des prêtres, la sanctification sacerdotale, pas seulement dans la Fraternité, mais aussi autour de la Fraternité. Le rayonnement de nos prieurés, le rayonnement de la Fraternité, doit s’étendre particulièrement aux prêtres, parce que ces prêtres sont souvent des prêtres très isolés, très abandonnés, rejetés par leurs évêques et souvent se trouvant vraiment dans des situations pénibles.


« Alors si la Fraternité leur vient en aide, moralement, spirituellement, même éventuellement matériellement, ce sont des choses qui sont tout à fait souhaitables et il semble que, de plus en plus, que ce soit aux Etats-Unis par exemple, que ce soit en Allemagne, même en France, des réunions de prêtres commencent à se faire autour de nos prieurés et ces prêtres sont tout heureux de se sentir en famille, de se sentir soutenus, de ne plus être tout à fait isolés. »

samedi 5 octobre 2013

La Fraternité Saint-Pie X, émanation de « l’Église conciliaire » ?

Certains milieux marginaux de la Tradition, faisant subir quelques contorsions à la pensée de Mgr Lefebvre, avancent aujourd’hui l’idée que « l’Église conciliaire » serait une entité structurelle indépendante et distincte de l’Église catholique fondée par Notre Seigneur. Les conséquences de cette dérive doctrinale sont assez dramatiques. Elles condamnent forcément le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X qui a passé son temps à se rendre auprès  des autorités pourtant imbues des idées du Concile, afin de trouver un modus vivendi.

Ces mêmes groupes avancent l’idée que Mgr Lefebvre aurait reçu l’approbation de la véritable Église puisqu’elle aurait été approuvée par Mgr François Charrière, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg le 1er novembre 1970. Et ces mêmes pourfendeurs de « l’Église conciliaire » – terme inventé par Mgr Benelli – n’hésitent pas à faire du brave Mgr Charrière le deuxième père de la Fraternité. Après tout, c’est lui qui a signé l’acte de naissance de la Fraternité : son décret d’érection. Mais était-il bien en phase avec Mgr Lefebvre ?

Les deux hommes s’étaient connus à Dakar lorsque l’évêque de Fribourg était venu pendant une quinzaine de jours visiter les Suisses installés au Sénégal. Ils avaient sympathisé et Mgr Lefebvre avait maintenu les relations. Comme l’université de Fribourg avait plutôt bonne réputation, l’archevêque avait installé son séminaire dans la ville puis avait requis l’autorisation de son ami, Mgr Charrière. Mais ce dernier lui avait, dans un premier temps, conseillé d’envoyer ses futurs prêtres dans le séminaire interdiocésain :

« Alors je suis allé voir Mgr Charrière et je lui ai demandé s’il n’y avait pas quelque chose quand même à Fribourg qui soit mieux que cette maison des Pères du Saint-Esprit, où les quelques séminaristes dont je m’occupais, pourraient trouver place et une certaine formation. Il m’a répondu : « Vous savez, Monseigneur, la situation est très mauvaise actuellement, elle va toujours en empirant ; et je suis très pessimiste sur l’avenir même du diocèse et de la formation sacerdotale. Je suis pessimiste, je ne sais pas comment les choses vont tourner. En tout cas, nous avons, oui, un séminaire interdiocésain qui sert tous les diocèses de Suisse et qui reçoit même des étudiants en civil. Par conséquent, il pourrait bien recevoir vos étudiants aussi. Alors, peut-être, allez voir là. » (1)

Bien étranger au Coetus, Mgr Charrière était en réalité un véritable esprit conciliaire, avant même Vatican II. Lors de son accession au Siège de Fribourg, la Voix ouvrière, quotidien communiste romand, loua la « réputation d’homme de gauche » du nouvel évêque. C’est à cette époque qu’il encouragea le Conseil œcuménique des Églises, pourtant fermement interdit par Rome. Dès 1960, le prélat adressa au Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, dont il était membre actif aux côtés du cardinal Bea, une note sur la liberté de conscience qui allait marquer les esprits et former, aux côtés des écrits de Mgr Émile de Smedt, le terreau de Dignitatis Humanae, texte en faveur duquel il vota naturellement. Par ailleurs, Mgr Charrière était très engagé dans l’œcuménisme. Il n’hésita pas à dialoguer avec les Protestants et, à l’époque où il recevait les demandes de Mgr Lefebvre pour reconnaître son œuvre, il s’envolait en 1970 vers la Moscou soviétique pour représenter Paul VI aux obsèques du patriarche schismatique Alexis Ier, allié au pouvoir de Brejnev, dans un geste d’œcuménisme accompli.


A bien des égards, Mgr François Charrière était un représentant confirmé de ce que Mgr Benelli appela « l’Église conciliaire ». Et c’est pourtant lui qui a érigé l’institut de droit diocésain appelé : « Fraternité sacerdotale Saint-Pie X ». Considérer que cette expression recouvre une entité structurelle distincte de l’Église catholique, c’est malheureusement conclure que la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X est non pas une fondation de l’Église catholique, mais une émanation d’une structure schismatique. Dire que telle n’était pas la pensée du fondateur, c’est enfoncer une porte ouverte.

Côme de Prévigny

(1) Mgr Marcel Lefebvre, Petite histoire de ma longue histoire, 1999.

jeudi 26 septembre 2013

Mgr Lefebvre : Le célibat sacerdotal, rayonnement de la grandeur du Christ

« Quant à vous, chers sous-diacres, vous qui allez être ordonnés dans quelques instants, avec la grâce du Bon Dieu, sous-diacre, vous aussi vous participez et vous participerez encore davantage à la lumière de Notre Seigneur Jésus-Christ, spécialement en pratiquant le célibat, à la suite de Notre Seigneur Jésus-Christ. C'est comme un rayonnement de la grandeur, de la sublimité de Notre Seigneur qui rayonne sur vous, par cet attachement total de votre être à Notre Seigneur Jésus-Christ, sans partage, voulant être à Lui totalement, sans limite. Eh bien, vous manifestez précisément la grandeur, la toute-puissance, la vertu de Notre Seigneur Jésus-Christ, la sainteté de l'Eglise.

« Plus que jamais aujourd'hui, les fidèles, les vrais fidèles ont besoin de cette lumière, au moment où précisément le célibat est battu en brèche par des exemples lamentables dans le monde entier, par des prêtres, par un certain laxisme de Rome, accordant à des milliers et des milliers de prêtres, de ne plus garder le célibat. Et cette vertu est méprisée dans le monde. Ce sont des conférences épiscopales entières, qui demandent l'abandon du célibat. On se promet de faire des synodes qu'on appellera même des conciles, comme le futur concile africain, qui a certainement son intention de demander l'abolition du célibat pour l'Afrique.

« Ce sont les ténèbres qui envahissent l'Eglise. Alors vous devez être la lumière; vous devez propager cette lumière fermement, courageusement, sans hésitation, malgré les critiques, malgré tous les quolibets, malgré toutes les difficultés que cela représente pour vous. Portez votre habit religieux, portez votre soutane; manifestez devant le monde que vous êtes prêtre, que vous êtes religieux, que vous êtes donné au Bon Dieu totalement, que vous pratiquez la virginité, que vous professez le célibat. Quel bel exemple ! Combien l'Eglise a besoin de cela. L'Eglise ne serait plus l'Eglise s'il n'y avait pas des prêtres célibataires et s'il n'y avait plus de religieux et de religieuses, fidèles au célibat, à la virginité. C'est cela qui caractérise l'Eglise; c'est cela qui est vraiment la note de sainteté de l'Eglise et qui convertit les âmes.

« S'il est un exemple qui manifeste la sainteté de l'Eglise, c'est bien celui-là. Et les personnes qui sont dans le mariage ont besoin de cet exemple, pour demeurer elles aussi, dans la loi de Dieu dans le mariage, voyant l'exemple de sacrifices et de chasteté dans l'Eglise, cela les encourage elles aussi à garder la loi du Bon Dieu dans le mariage.

« Mais si les prêtres abandonnent le célibat, s'ils abandonnent cet attachement total à Notre Seigneur Jésus-Christ, alors qu'en sera-t-il des mariages chrétiens ? Soyez donc cet exemple, mes chers amis, attachez-vous à cette vertu toute spéciale que le Bon Dieu demande de vous. »
  

Mgr Lefebvre, Ecône, sermon du 15 mars 1986

samedi 21 septembre 2013

Mgr Lefebvre face aux crises internes

Peut-être n’y a-t-il jamais eu autant de crises au sein de la Fraternité Saint-Pie X qu’à ses débuts. Tous les deux ou trois ans, une scission éclatait et c’est ici un séminaire qui chavirait, là un district qui s’éloignait. En 1983, Mgr Lefebvre perdit quasiment tout l’apostolat des États-Unis, les prêtres lui reprochant sa trop grande souplesse et son manque de fermeté. L’archevêque ne s’émut pas. S’il faut tout perdre, nous recommencerons tout, disait-il. Six ans auparavant, le corps professoral d’Écône l’avait jugé trop dur et c’est une grave crise qui affecta la Fraternité au point de séparer le séminaire du fondateur. Une fois la tempête apaisée, il prévint ses séminaristes : Ceux qui ne veulent pas reconnaître les dangers provoqués par la réforme, et ceux qui manifestent une dureté excessive à l’encontre du pape ou de leurs confrères n’épousent pas le véritable esprit sacerdotal : 
« Cela fait déjà un an – les autres diront peut-être deux ans – que la situation au séminaire est difficile, qu’il y a des oppositions à l’intérieur du séminaire ; que certains groupes de séminaristes sont opposés les uns aux autres, qu’on a donné des étiquettes à certains. Les uns se sont dits libéraux, les autres se sont dits jansénistes, et que sais-je…

« Enfin, cela, j’en suis conscient moi-même. Je ne suis pas le dernier à le savoir, et je suis payé pour le savoir parce qu’on me donne les deux étiquettes ! Et ces deux étiquettes, surtout en France, particulièrement dans notre cher pays de France, les divisions y sont effrayantes, épouvantables, dans les milieux traditionalistes. Elles ne font que se multiplier. C’est effrayant et triste de voir cette division…

« Alors la situation s’est trouvée, ici au séminaire, le reflet de cette situation qui se trouve en France. Heureusement pour ceux qui ne sont pas français, la situation dans leurs pays en général est moins aiguë. Je ne dis pas qu’il n’y en ait pas, il y a des divisions partout parce que quand le vrai pôle de l’unité qui doit être Rome faiblit, forcément tout s’en va. Chacun se fait un peu sa vérité, chacun se fait sa doctrine, son groupe. Chacun veut avoir sa manière de réagir. C’est fatal. Ce sont les conditions dans lesquelles se trouve l’Eglise actuellement qui veulent cette poussière de divisions. C’est ce qu’a produit le protestantisme. Le protestantisme est devenu une poussière de sectes parce qu’ils ont perdu l’unité de Rome. Maintenant c’est Rome même. La lumière est en quelque sorte obscurcie et alors les fidèles, les catholiques, sont dans le désarroi complet. Et les réactions, même les bonnes réactions, se voient sous des angles différents, des manières différentes, des méthodes différentes. Et on se divise.

« Alors je me trouve forcément moi-même pris dans tout ce tourbillon, ayant moi-même réagi et fait ce séminaire il y a maintenant huit ans. Fatalement, il y en a qui sont d’accord, pas d’accord et pas tout à fait d’accord, pas tout à fait contre, etc. C’est fatal. Et ma foi, cela fait déjà trois fois que la Providence permet qu’il y ait des ruptures à l’intérieur du séminaire. C’est la troisième fois que je répète, que je dis la même chose. […]

« Hésitations au sujet des ordinations, hésitations au sujet de la juridiction des nouveaux prêtres, hésitations au sujet des incardinations des prêtres dans la Fraternité que je considère comme toujours existante puisqu’elle a été abolie illégalement et injustement. Autant de petits points, je dirais peu de choses comme différences, mais tout de même une certaine différence.

« Alors, en plus de cela, il faut bien reconnaître que dans le séminaire il y avait un peu cette tendance à ne pas être parfaitement dans ce que je pense devoir affirmer. Et en plus de cela, il y avait aussi le fait que je réprouve absolument, de certains séminaristes qui, eux, se sont durcis et ont plutôt voulu suivre les idées du Père Barbara et je dirais un certain durcissement de ceux qui, parmi les traditionalistes de France, ont des positions, à mon avis, excessives de dureté contre le pape, contre les évêques, toujours prêts à insulter les évêques, à insulter le pape.
« Alors il s’est trouvé de fait ici certains séminaristes qui prenaient plutôt leur inspiration, inspiration de doctrine, en dehors du séminaire et non pas dans le séminaire. Alors, si d’un côté il y en avait qui ne suivaient pas le séminaire par défaut, il y en avait qui ne suivaient pas le séminaire par excès. Et alors cela fait cet affrontement, cet affrontement qui est venu à l’intérieur du séminaire, affrontement lamentable : manque de charité, manque de compréhension, manque d’union, divisions continuelles. Alors on ne pouvait plus se voir, plus s’asseoir l’un à côté de l’autre et bientôt presque ne plus manger ensemble, ne plus aller en récréation ensemble. Inimaginable ! Ce n’est plus chrétien, à plus forte raison plus sacerdotal ! C’est inimaginable cela. Inimaginable ! 
« Que font ici des séminaristes qui sont dans cet état d’esprit ? Il vaut mieux qu’ils s’en aillent. De grâce, qu’ils s’en aillent ! Et personnellement je me vois obligé en conscience de sévir contre ceux qui apportent cet esprit excessif dans une dureté, une attitude à mon avis non conforme à l’esprit sacerdotal, non conforme à l’esprit pastoral, une attitude exagérée vis-à-vis de tous ceux qui ne pensent pas comme eux, une attitude qui n’est pas chrétienne. Je me vois obligé de sévir. C’est pourquoi j’ai demandé à trois séminaristes de ne pas revenir cette année-ci au séminaire.

« D’autre part, je ne puis pas non plus tolérer des séminaristes qui ne pensent pas comme nous, qui ne nous suivent pas, qui ne sont pas d’accord pour les ordinations, qui ne sont pas d’accord pour l’incardination, qui ne sont pas d’accord pour dire qu’il y a quand même dans les sacrements nouveaux des choses inquiétantes et qui rendent certainement invalides un bon nombre des sacrements – du moins il faut aussi étudier les cas particuliers – mais il y a certainement maintenant beaucoup de prêtres qui n’ont maintenant plus l’intention de faire ce que fait l’Eglise et donc leurs sacrements sont invalides – et puis ceux qui pensent que nous avons une attitude vis-à-vis du pape qui n’est pas celle qui devrait être. Eh bien ces séminaristes-là, s’ils ne nous suivent pas, que font-ils ici ? Pourquoi venir dans ce séminaire si on ne veut pas en prendre les orientations et la ligne ? C’est inutile. Alors c’est un poids qui pèse et que l’on traîne comme un boulet dans le séminaire, ces gens qui ne sont pas d’accord avec la ligne du séminaire. »

Mgr Lefebvre, conférence du 20 septembre 1977

mardi 3 septembre 2013

Mgr Lefebvre : ne jamais abandonner le successeur de Pierre

Lorsque les abus proviennent de l’autorité de l’Église, que les faits font grandir la déception, la tentation est grande de simplifier, d’insulter, de se fourvoyer dans de fausses options, de se réconforter dans les illusions. Ainsi, devant les scandales œcuméniques et liturgiques, certaines âmes, victimes des abus, se sont-elles accaparées les prérogatives du Siège apostolique et ont cru pouvoir dire que tel homme n’était pas pape. Elles se sont fait leur petite papauté à elles seules et se sont donné la possibilité de pouvoir lier et délier. On choisit son pape, on rejette son successeur, on garde le suivant. Les faits pourtant demeurent : les pontifes romains sont légitimement élus et unanimement reconnus comme pasteurs de l’Église universelle. Mgr Lefebvre demande de bien revenir aux faits : Malgré toutes les causes de scandale provenant des papes eux-mêmes, il ne faut « jamais abandonner le successeur de Pierre ». L’écueil du sédévacantisme, il l’a dénoncé jusqu’au soir de sa vie. Mais déjà, lors des ordinations du 29 juin 1982, dans un sermon qui tentait de cerner le mystère de l’Église, il a prononcé l’un de ses prêches les plus marquants et a abordé le sujet de la papauté :

« Eh bien, nous vivons cette époque. Nous ne pouvons pas fermer les yeux. Les choses sont là devant nous, elles ne dépendent pas de nous. Nous sommes témoins de ce qui se passe dans l'Eglise, de ce qui s'est passé d'effrayant depuis le Concile, de ces ruines qui s'accumulent de jour en jour, d'année en année, dans la Sainte Eglise. Et plus nous avançons et plus les erreurs se répandent et plus les fidèles perdent la foi catholique. Une enquête faite récemment en France, disait qu'il n'y avait pratiquement plus que deux millions de catholiques français qui sont encore vraiment catholiques. Alors nous allons à la fin. Tout le monde tombera dans l'hérésie; tout le monde tombera dans l'erreur, parce que des clercs – comme le disait saint Pie X – se sont introduits à l'intérieur de l'Eglise et ont occupé l'Eglise et ont répandu les erreurs à la faveur de l'autorité qu'ils occupent dans l’Eglise.

« Alors sommes-nous obligés de suivre l'erreur parce qu'elle nous vient par voie d'autorité ? Pas plus que nous ne devons obéir à des parents qui sont indignes et qui nous demandent de faire des choses indignes; pas plus nous ne devons obéir à ceux qui nous demandent d'abandonner notre foi et d'abandonner toute la tradition. Il n'en est pas question.

« Oh certes, c'est un grand mystère. Grand mystère de cette union de la divinité avec l'humanité. L'Eglise est divine, l'Eglise est humaine. Jusqu'où les défauts de l'humanité peuvent – je dirais – presque atteindre la divinité de l'Eglise ? Dieu seul le sait, c'est un grand mystère. Mais nous, nous constatons les faits. Et nous devons nous placer devant des faits et ne jamais abandonner l'Eglise, l'Eglise catholique et romaine, ne jamais l'abandonner. Ne jamais abandonner le successeur de Pierre, parce que c'est par lui que nous sommes rattachés à Notre Seigneur Jésus-Christ, à l’évêque de Rome, successeur de Pierre.


« Mais si par malheur, entraîné par je ne sais quel esprit ou quelle formation, ou quelle pression qu'il subit, par négligence, il nous laisse et il nous entraîne dans des chemins qui nous font perdre la foi, eh bien nous ne devons pas le suivre tout en reconnaissant cependant qu'il est Pierre et que s'il parle avec le charisme de l'infaillibilité, nous devons accepter. Mais lorsqu'il ne parle pas avec le charisme de l'infaillibilité, il peut très bien se tromper. Hélas, ce n'est pas la première fois que cela arrive dans l'Histoire. »

vendredi 16 août 2013

Père R.-Th. Calmel : L’héroïsme de la charité et l’héroïsme de la révolte

A la suite du propos précédent de Mgr Lefebvre sur l’agitation perpétuelle des esprits, nous publions ce texte du Père Calmel qui distingue si bien l’héroïsme de la révolte – qui veut en tout lieu et en toute heure s’emporter et s’enflammer – de l’héroïsme de la charité qui se fonde, le plus souvent, sur la patience et sur le silence, à l’image de l’atmosphère recueillie de la Sainte Famille. « Une vie héroïque n'est pas haletante et précipitée comme un drame sur scène », explique-t-il.

« Il est un héroïsme de la révolte, et un héroïsme de la charité. L'héroïsme de la charité demande avant tout de prendre, à cause de Dieu, une route de droiture parfaite et de ne vouloir rien entendre quand il s'agit de changer de direction. Moyennant quoi il est fort possible que la vie, quelque jour, devienne extrêmement dure et même qu'il faille consentir au sacrifice suprême. Seulement, et c’est ici que je ne voudrais pas que l’on se fasse des idées, choisir le chemin de l'héroïsme de l'amour ce n'est pas être acculé, sans répit, à une existence intenable et irrespirable. Ce n'est pas à chaque minute et à longueur de vie être emporté dans un tourbillon étouffant et vertigineux comme celui d'une tragédie de Racine ou de Shakespeare. Une vie héroïque n'est pas haletante et précipitée comme un drame sur scène. Elle admet des repos, des détentes, des paliers et des reprises. Elle trouve une connivence de certaines personnes et de certains événements, plus ou moins proche, plus ou moins réconfortante, mais toujours réelle, - excepté, il est vrai, dans la solitude unique des heures d'agonie. Mais alors un ange du ciel descend et réconforte. Pour le reste, et à travers le déroulement ordinaire du jour, le Père du ciel a ménagé une familiarité, une grâce, une clémence de la vie qui empêche que ne soit inhumain et exaspéré l'héroïsme de l'Amour.

« Qui douterait qu’on ne puisse, qu’on ne doive parler d’héroïsme à propos de la vie de saint Joseph le Juste ? Et beaucoup plus encore à propos non seulement de la Passion, mais même de la vie cachée et de la vie publique du Fils de l’Homme ? Si l’héroïsme est le contraire de la tiédeur et de la protection égoïste de soi-même, si l’héroïsme dont nous parlons demande d’être prêt à sacrifier sa vie en ce monde pour rester fidèle à la loi de Dieu dans le spirituel et dans le temporel, on ne peut douter que la vie de saint Joseph, fidèle et ferme dans la pauvreté de Nazareth et dans l’exil en Égypte, ne porte la marque de l’héroïsme. […] Ce n'est point parce que vous aurez l'esprit du martyre que les bourreaux vous sauteront dessus à tous les tournants. Seulement vous n'aurez rien réservé. Vous aurez tout donné, et vos forces et votre cœur. Et cet abandonnement total, loin de vous condamner à ne plus connaître les sourires de la vie est au contraire le seul moyen de les apprivoiser. […]

« Il est un autre héroïsme que celui de l'Amour : celui de la révolte et même de la haine. L'histoire de la civilisation et celle de l'Église, et d'ailleurs la simple expérience quotidienne, ne permettent pas de se faire illusion sur sa puissance dévastatrice et démontrent au surplus qu'il est toujours prêt à renaître ; cela par la faute du diable ; par la faute aussi des gens de bien : parce que leur bien est débile, extérieur et peut-être pharisaïque. Qu’on se souvienne de Luther ou de Lénine, ou de tel compagnon obscur que l’on a rencontré dans la vie. Pour répondre à cet héroïsme, la tiédeur est parfaitement inutile, fût-elle bien parlante, bien pensante, bien armée ; les sanctions, même justes, ne suffisent pas ; les discours non plus, même inexpugnables. La grande réponse, celle qui est au principe de toutes les défenses positives, c’est l’héroïsme de l’Amour. »


Roger-Thomas Calmel, o.p., Nous sommes fils de saints, NEL, 2011, pp. 33-37

vendredi 9 août 2013

Mgr Lefebvre : faut-il toujours parler de la crise ?

« Je pense qu’il faut rester devant la réalité telle qu’elle est et surtout, nous ne sommes pas obligés de donner des appréciations sur le pape tous les jours. Les gens n’attendent pas cela, les gens n’attendent pas que, dans vos sermons demain, il y ait toujours quelque chose sur le pape. Il y a bien d’autres sujets. Laissez ce problème qui est justement un problème très délicat, difficile, douloureux d’ailleurs, qui peine tous les fidèles, qui les fait souffrir. Alors si quelqu’un vient vous trouver en particulier, eh bien donnez-lui la solution de la Fraternité, ce que l’on pense dans la Fraternité : « voilà la ligne de conduite de la Fraternité dans les circonstances actuelles par rapport au pape, par rapport aux sacrements, par rapport à la messe ». Mais n’en faites pas toujours un sujet de sermon qui fait que les gens sortent de là, anxieux, les uns discutent : « Ah ! il a dit cela ? Mais ce n’est pas tout à fait juste, et ceci et cela… » Cela ne fait pas de bien, ça trouble les gens, ça ne sert à rien. Ce que les gens demandent, c’est la sanctification, c’est d’être sanctifiés par les sacrements, par le Saint-Sacrifice de la Messe. Parlez-leur de leurs problèmes, de la sanctification personnelle. Dieu sait si les sujets ne manquent pas ! Une fois ou l’autre, évidemment, à l’occasion d’une conférence ou si vraiment il y en a qui vous demandent, réunissez ces quelques personnes et puis expliquez-leur d’une manière précise la situation.

« Mais ce que les fidèles attendent de vous, c’est que vous soyez des prêtres comme tous ceux qui vous ont précédés et qui ont sanctifié ces villages. Combien il y a eu de saints prêtres qui n’ont pas tous été des saint Curé d’Ars, mais qui ont vraiment sanctifié la population, leur village, qui étaient vraiment des prêtres, des prêtres auxquelles les personnes se confiaient et qui, comme saint Pie X – on le lisait encore hier – allaient au chevet des mourants et les aidaient à bien mourir, les préparaient à la mort. C’est une vie extraordinaire que la vie du prêtre, une vie inouïe : Préparer les enfants à la Première Communion, à la Confirmation, leur faire le catéchisme, les garder dans la foi, préparer peut-être des vocations religieuses, des vocations sacerdotales. Alors, pour cela, évidemment, je pense que la grande vertu du prêtre, c’est la charité, la vertu de Dieu : Dieu est Charité. Et c’est cela que nous devons être. »


Mgr Marcel Lefebvre, retraite sacerdotale, 1980

mercredi 31 juillet 2013

Jean Madiran et Mgr Lefebvre : avant de partir

Jean Madiran s’est éteint le 31 juillet 2013. Il était un témoin privilégié de la vie de Mgr Lefebvre. Grand journaliste ayant couvert l’actualité du concile Vatican II, ayant soutenu corps et âme les débuts d’Écône, il en fut un témoin privilégié. Aussi, quand il fut question d’interroger les témoins de la vie du fondateur de la FSSPX pour réaliser un film documentaire, fut-il immédiatement question d’aller interroger Jean Madiran, l’initiateur d’Itinéraires et de Présent. C’est par Jeanne Smits, directrice de cette revue que j’ai pu joindre par téléphone Jean Madiran et ce dernier m’expliqua rapidement que les caméras et lui faisaient deux, qu’il n’avait jamais répondu à la télévision et que ce n’est pas à son âge – il était déjà nonagénaire – qu’il allait modifier son avis tranché sur ces nouvelles inventions. Je tentais une dernière chance en lui disant que j’allais lui écrire pour lui formuler sur papier ma demande. Sa réponse, sans pour autant ouvrir grand espoir, laissait plus ou moins entendre que je pouvais toujours essayer. Quinze jours plus tard, une très brève lettre de sa part m’indiquait qu’il acceptait finalement la proposition : « Ma réponse est Oui » soulignait-il, tout en me communiquant un numéro de portable et une adresse qui se trouvait à cinq cent mètres de la mienne.

Rares étaient les témoins qui avaient pu entendre Jean Madiran parler de Mgr Lefebvre après 1988, l’année des sacres. Cet épisode crucial avait mis fin à la grande entente entre deux hommes brillants, qui avaient une amitié et une estime réciproques. Puis vint le moment de l’incompréhension, de la rupture et même de la peine. Pour ma part, j’avais sagement rédigé mes questions sur le Concile et les débuts de la Fraternité, évitant bien les sujets qui risquaient de fâcher. Arrivant à son domicile, nous trouvions Jean Madiran aimable, avenant et souriant, alors qu’on nous avait parlé d’un homme au caractère bien trempé. Il nous a laissé déménager tout son salon pour installer la caméra et les spots afin de trouver le bon angle et la bonne lumière. En commençant, son caractère refit surface, il me dit que mes questions ne lui convenaient pas et qu’il choisirait les siennes. Cela commençait bien, me disais-je. Il parla du Concile où il confia que Mgr Lefebvre s’enquit de son expertise, en particulier sur le sujet relatif à la collégialité. Il plancha toute une nuit sur la question à Fontgombault avant que l’archevêque ne parte pour Rome, affermi par les analyses du grand écrivain. Dans les débuts de la Fraternité, il était encore là, veillant au lancement de l’œuvre. Le 21 septembre 1974, lorsque Mgr Lefebvre rédigea sa fameuse déclaration où il affirmait solennellement qu’il adhérait de tout son cœur « à la Rome éternelle » et qu’il refusait par contre « la Rome de tendance néo-moderniste », Jean Madiran était présent à Écône. Son fondateur demanda s’il pouvait expliquer aux séminaristes le sens de ses propos et il s’affranchit si bien de cette tâche qu’à la fin de la leçon, Mgr Lefebvre dit à ces futurs prêtres : Voyez, je n’ai rien à ajouter.


Mais Jean Madiran revenait systématiquement à la question des sacres. Visiblement, il voulait absolument aborder le sujet et il se lança dans un grand développement où il déclara : « Si la Fraternité Saint-Pie X existe encore aujourd’hui, c’est parce que Mgr Lefebvre lui a donné quatre évêques. Ce qui fait qu’elle a le poids qu’elle a, qu’elle est prise par le pape comme un interlocuteur, c’est parce qu’elle a des évêques » Et il poursuivait : « Dans l’Église, être des évêques, ça compte. Et donc, là, le fondateur avait bien fait, en tout cas il avait fait une fondation durable et assuré les conditions pour que son œuvre dure. » Il termina l’entretien en résumant Mgr Lefebvre comme « un fondateur ». On ne pouvait que saluer l’intelligence et l’humilité de cet homme de quatre-vingt dix ans qui avait finalement convoqué les caméras pour solder un compte avec l’histoire, non pour battre sa coulpe mais pour reconnaître le mérite d’un évêque dont on ressentait que des décennies plus tard il l’admirait toujours. Jean Madiran savait pertinemment que ce passage serait retenu. Il l’avait préparé et presque mis en scène. Son petit sourire le manifestait à la fin de l’entretien, bien que je me sois mordu les lèvres pendant qu’il parlait. Ayant eu l’occasion de lui écrire et de lui parler dans les mois qui suivirent, j’avais remarqué que sa pudeur lui évitait de revenir sur la question. Il avait reçu le film et il manifestait sa satisfaction.

Au-delà de ces faits récents, nous ne pouvons aujourd'hui que prier pour l'âme de cette grande figure qui a formé pendant des années les esprits, à travers la revue Itinéraires, à travers la revue Présent, les conduisant à déceler le vrai dans l'amas d'actualités qui foisonnent. Nous pouvons également lui exprimer notre reconnaissance.

J.-R. du Cray